Noël, les accusés de Nuremberg sont en vacances

Auteur: Paul Eluard
Année: 1946

Ces jeunes filles défilent au rythme de cinq à l’heure devant le tribunal des enfants.
(Les journaux, décembre 1945.)

Autour de nous l’univers s’est gelé
Notre maison s’est dégradée
De la cave au drapeau de la source à l’oiseau
De l’ombre incarnée au soleil total

Un soir sans fin s’est imposé
De larmes salies
De sourires passés au feu
De mains abandonnées

On a traqué les innocents
Comme des bêtes
On a cherché les yeux
Qui voyaient clair dans les ténèbres
Pour les crever

Et sur les ruines transparentes
Sur les chagrins cloués au cœur
Voici les juges habituels
Ceux qui font peur aux imbéciles
Et qui font jurer les déments

Fins connaisseurs de la morale
Ils comptent les victimes
Une à une puis par millions
Les victimes et les profits
Les victimes ont peu de poids
Mais les profits sont réversibles

Il leur faut gagner du temps
L’oubli viendra la poussière
Recouvrira le désordre.
Il leur faut être prudents
Pour ne pas rompre la chaîne
De plus grands crimes sont possibles

Enfin voici des juges
Qui prolongent la vie.

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