Ma mémoire bat les cartes

Auteur: Paul Eluard
Année: 1929
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Ma mémoire bat les cartes
Les images pensent pour moi
Je ne peux pas te perdre
C’est la fleur du secret
Un incendie à découvrir
Des yeux se ferment sur tes épaules
La lumière les réunit.

L’aile de la vue par tous les vents
Étend son ombre par la nuit
Et nul n’y pense nul n’en rêve
Et les esclaves vivent très vieux
Et les autres inventent la mort
La mort tombe mal inconcevable
Ils font du suicide un besoin
Des êtres immobiles s’ensevelissent
Dans l’espace qui les détruit
Ils envahissent la solitude
Et leur corps n’a plus de forme.

Dans les ramures hautes
Tous les oiseaux et leur forêt
Ils refusent au son ses mille différences
Les grands airs du soleil ne leur en imposent pas
Le silence supprime les grâces de saison.
Ce verre sur le marbre noir
Un seul hiver incassable
À enfermer
Avec l’aube aux yeux de serpent
Qui se dresse solitaire
Sur le sperme des premiers jours
Les feux noyés du verre.

À calculer
La sécheresse des îles de dimension
Que mon sang baigne
Elles sont conçues à la mesure de la rosée
À la mesure du regard limpide
Dont je les nargue.

Il y a des sources sur la mer
Dans les bateaux qui me ramènent
Et des spectacles en couleurs
Dans les désastres à face humaine
J’ai fait l’amour en dépit de tout
L’on vit de ce qu’on n’apprend pas
Comme une abeille dans un obus
Comme un cerveau tombant de haut
De plus haut.
La pâleur n’indique rien c’est un gouffre
Que ne puisse écrire
Les lettres sont mon ignorance
Entre les lettres j’y suis.
Au néant des explorateurs
Des rébus et des alphabets
Avec le clin d’œil imbécile
Des survivants que rien n’étonne
Ils sont trop je ne peux leur donner
Qu’une nourriture empoisonnée.

La nuit simple me sert à te chercher à me guider
Parmi tous les échos d’amour qui me répondent
Personne
Sans bégayer.

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