Dieu bénit les enfans qui vont vite à l’école ;
Peut-on sans les aimer les regarder courir !
On les croirait poussés par quelque ange qui vole,
Qui de leurs blonds cheveux leur souffle une auréole,
Frappe à la lourde porte et les aide à l’ouvrir.
J’en sais un dont la mère, humble femme, est heureuse,
Et qui chante toujours avec ses cheveux blancs :
La reine dans ses fils est moins ambitieuse,
Que cette pauvre femme agitée et joyeuse,
Qui regarde voler deux petits pieds brûlans.
« La réputation commence avec la vie.
A-t-elle dit un jour à son précoce enfant :
Cette échelle mouvante où monte aussi l’envie,
L’école grandira de mémoire suivie,
Et sera d’aujourd’hui le registre vivant.
Marche donc ! marche droit sans retourner la tête.
Qui s’amuse au présent retarde l’avenir.
Tends les mains jour par jour aux leçons qu’il t’apprête ;
Jeune, saute à pieds joints l’obstacle qui t’arrête ;
Vieux, va t’asseoir paisible au banc du souvenir.
Moi, j’y suis. Moi pourtant, j’apprends encor ; je t’aime !
Je cherche dans un coin de mon passé perdu,
Quelque fruit mis à part, stérile pour moi-même,
Car il fut, mon passé, d’une avarice extrême ;
Mais s’il te fait moins pauvre, il m’aura tout rendu ! »
Et l’on parla bientôt jusqu’au bout de la rue,
De l’enfant régulier qui savait l’heure. « Allons !
Voilà René qui passe et la nuit disparue ;
Voilà son cri de coq et l’aurore accourue ;
En route ! » et vers la ruche on poussait les frêlons.
René, c’était l’abeille, et jamais buissonnière.
Un jour, un seul, son banc le réclama long-temps :
C’est la première fois !… « Sera-ce la dernière ? »
Cria le maître aigri dans l’heure prisonnière.
Et les plus paresseux riaient, fiers et contens !
Ce jour même aux rayons d’un soleil couleur d’ambre,
On trouva deux enfans que l’on croyait perdus.
Un saule, aux bras ouverts leur a servi de chambre,
Et sur le blanc tapis que leur a fait décembre,
On dirait, de leur toit, deux ramiers descendus !
Le plus grand, c’est René. Le plus beau, c’est ma fille ;
Ange rôdeur qui boude à s’instruire avec nous ;
Qui va cacher son livre au fond de la charmille,
Qui ne veut point d’école au sein de la famille :
Qui se choisit un maître et l’écoute à genoux !
Cendrillon les absorbe ! ils ont contre la bise,
D’une haleine d’enfant l’innocente chaleur.
L’un par l’autre emportés de surprise en surprise,
René veut qu’on épèle ; et ma fille qu’on lise
Tout !… comme on veut d’un champ voir la dernière fleur !
Liberté ! tu fais peur aux rois : sois douce aux mères !
Donne un jour ta main droite à nos jeunes garçons ;
Tiens ces hommes enfans loin des molles chimères :
Nous, pour qui la nature a des lois plus amères,
Laisse-nous, de leurs sœurs enfermer les leçons !