Je sors des caves de l’angoisse

Auteur: Paul Eluard
Année: 1929

Je sors des caves de l’angoisse
Des courbes lentes de la peur
Je tombe dans un puits de plumes
Pavots je vous retrouve
Sans y songer
Dans un miroir fermé
Vous êtes aussi beaux que des fruits
Et si lourds ô mes maîtres
Qu’il vous faut des ailes pour vivre
Ou mes rêves.

L’enfance reste chez elle
À rougir de ses devoirs
À mériter la vie
Avec ses jeux de toutes les couleurs
Ses cahiers tondus ses plumiers acides
Une main se ferme se pose
Les mains de l’enfant
Comme des grenouilles.

Mais voici que s’abat se dresse se dandine
La poussière arrogante
Sans carcasse toute de charmes
La toute pelée la curieuse
Un palais la salue la reçoit l’accompagne
Avec sa façade avec le grand livre d’origine
Avec les clefs qui sont une offense aux murailles
Les rideaux soulevés du sourire
À croire aussi que le triple dedans
N’est pas mesuré par les rides.

La plus petite course du lézard
Dément toutes les précautions
La plus petite mort du bois
Quand la hache casse le fil
Et délivre un oiseau
Le coup d’ailes de la surprise.

L’armature des rousses éclatante parure
Et ce mépris pour toutes les plantes souterraines
Pour bénir les poisons pour honorer les fièvres
Les sources sont couronnées d’ombre
Le corps partage ses conquêtes
Mais sa jeunesse est au secret.

Pavots renoncez-vous
Au dur trajet des graines.

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