Venez nous voir dans l’asile
Où nôtre nid s’est caché,
Où Chloé suivrait Mnasyle,
Où l’Amour suivrait Psyché.
Si vous aimez la musique,
C’est ici qu’est son plein vol
Mozart n’est qu’un vieux phthisique
A côté du rossignol.
Ici la fleur, le poète,
Et le ciel font des trios.
Ô solos de l’alouette !
Ô tutti des loriots !
Chant du matin, fier, sonore !
L’oiseau vous le chantera.
Depuis six mille ans « , l’aurore
Travaille à cet opéra.,
Venez ; fiers de vos présences,
Les champs, qui sont des jardins,
Auront mille complaisances
Pour vous autres citadins.
Nos rochers valent des marbres ;
Le beau se fera joli
Et le moineau, sous les arbres,
Quoique franc, sera poli.
Mai joyeux, juin frais etendre
Arriveront à propos
Pour que : vous puissiez entendre
La clochette des troupeaux.
Venez, vous verrez les guêtres
Du vieux laboureur normand ;
Les mouches par vos fenêtres
Entréront éperdûmént.
Le soir, sous les vignes vierges,
Vous Verrez Dieu qui nous luit
Allumer les mille cierges
De sa messe de minuit.
Et nous oublierons ces choses
Dont on pleure et dont on rit,
L’homme ingrat, les ans moroses,
L’eau sombre où l’esquif périt,
La fuite de l’espérance,
Les cœurs faux le temps si court,
Et qu’on partage la France
Dans la Gazette d’Augsbourg.
25 juin 1859.