(tiré du livre de La Sagesse, ch. V.)

Heureux, qui de la Sagesse
Attendant tout son secours,
N’a point mis en la Richesse
L’espoir de ses derniers jours.
La mort n’a rien qui l’étonne ;
Et dès que son Dieu l’ordonne,
Son âme prenant l’essor
S’élève d’un vol rapide
Vers la demeure, où réside
Son véritable trésor.

De quelle douleur profonde
Seront un jour pénétrés
Ces insensés, qui du monde,
Seigneur, vivent enivrés ;
Quand par une fin soudaine
Détrompés d’une ombre vaine,
Qui passe, et ne revient plus,
Leurs yeux du fond de l’abîme
Près de ton trône sublime
Verront briller tes Elus !

« Infortunés que nous sommes,
« Où s’égaraient nos esprits ?
« Voilà, diront-ils, ces hommes,
« Vils objets de nos mépris,
« Leur sainte et pénible vie
« Nous parut une folie.
« Mais aujourd’hui triomphants,
« Le Ciel chante leur louange,
« Et Dieu lui-même les range
« Au nombre de ses enfants.

« Pour trouver un bien fragile
« Qui nous vient d’être arraché,
« Par quel chemin difficile
« Hélas ! nous avons marché !
« Dans une route insensée
« Notre âme en vain s’est lassée,
« Sans se reposer jamais,
« Fermant l’oeil à la lumière,
« Qui nous montrait la carrière
« De la bien-heureuse Paix.

« De nos attentats injustes
« Quel fruit nous est-il resté ?
« Où sont les titres augustes,
« Dont notre orgueil s’est flatté ?
« Sans amis, et sans défense,
« Au trône de la vengeance
« Appelés en jugement,
« Faibles et tristes victimes
« Nous y venons de nos crimes
« Accompagnés seulement. »

Ainsi d’une voix plaintive
Exprimera ses remords
La Pénitence, tardive
Des inconsolables Morts.
Ce qui faisait leurs délices,
Seigneur, fera leurs supplices.
Et par une égale loi,
Tes Saints trouveront des charmes
Dans le souvenir des larmes
Qu’ils versent ici pour toi.