En avant, grande marche humaine !
Peuple, change de région.
Ô larve, deviens phénomène ;
Ô troupeau, deviens légion.
Cours, aigle, où tu vois l’aube éclore.
L’acceptation de l’aurore

N’est interdite qu’aux hiboux.
Dans le soleil Dieu se devine ;
Le rayon a l’âme divine
Et l’âme humaine à ses deux bouts.

Il vient de l’une et vole à l’autre ;
Il est pensée, étant clarté ;
En haut archange, en bas apôtre,
En haut flamme, en bas liberté.
Il crée Horace ainsi que Dante,
Dore la rose au vent pendante,
Et le chaos où nous voguons ;
De la même émeraude il touche
L’humble plume de l’oiseau-mouche
Et l’âpre écaille des dragons.
Prenez les routes lumineuses,
Prenez les chemins étoilés.
Esprits semeurs, âmes glaneuses,
Allez, allez, allez, allez !
Esclaves d’hier, tristes hommes,
Hors des bagnes, hors des sodomes,
Marchez, soyez vaillants, montez ;
Ayez pour triomphe la gloire
Où vous entrez, ô foule noire,
Et l’opprobre dont vous sortez !

Homme, franchis les mers. Secoue
Dans l’écume tout le passé ;
Allume en étoupe à ta proue
Le chanvre du gibet brisé.
Gravis les montagnes. Écrase
Tous les vieux monstres dans la vase ;
Ressemble aux anciens Apollons ;
Quand l’épée est juste, elle est pure ;
Va donc ! car l’homme a pour parure
Le sang de l’hydre à ses talons.