(Square Monge)
Ivresse du printemps ! et le gazon tourne autour de la statue de Voltaire. — Ah ! vraiment, c’est un beau vert, c’est très joli, le Square Monge : herbe verte, grille et bancs verts, gardien vert, c’est, quand j’y songe, un beau coin de l’univers — Ivresse du printemps ! et le gazon tourne autour de la statue de Voltaire.
Et c’est plein d’oiseaux dans les arbres pâles où le ciel ouvre ses fleurs bleues. — Les pigeons s’aiment d’amour tendre. Les moineaux remuent leur queue. J’attends… Oh ! je suis heureux, dans ce délice de l’attendre. Je suis gai, fou, amoureux ! — et c’est plein d’oiseaux dans les arbres pâles, où le ciel ouvre ses fleurs bleues.
Je monte sur les bancs couleur d’espérance, ou bien je fais de l’équilibre… sur les arceaux du parterre, devant la statue de Voltaire. Vive tout ! Vive moi ! Vive la France ! Il n’est rien que je n’espère. J’ai les ailes de l’espérance. — Je monte sur les bancs pour quitter la terre, ou bien je fais de l’équilibre.
Elle a dit une heure : il n’est que midi ! Aux amoureux l’heure est brève. — L’oiseau chante, le soleil rêve. Chaque fois qu’Adam rencontre Ève, il leur faut un paradis. Derrière la grille, au soleil, l’omnibus y pense engourdi. — Elle a dit : une heure, il n’est que midi ! Aux amoureux l’heure est brève.
Devant la statue, un chat blanc, un jaune, — et le jaune, c’est une chatte ! — roulent, s’éboulent sur le gazon chaud, se montrent les pattes, miaulent, se battent. Le soleil étire doucement ton sourire, ô mon doux Voltaire, ô bon faune. — Devant ta statue, un chat blanc, un jaune, roulent, se montrent les pattes.
Les arbres s’enfeuillent au chant des oiseaux. Le bourgeon de mon cœur éclate ! — Et je vacille rien qu’à voir les diamants de l’arrosoir envelopper l’herbe d’une bruine. Un arc-en-ciel part de l’échine du philosophe, et va trembler dans les branches d’un marronnier. — Les arbres s’enfeuillent au chant des oiseaux. Le bourgeon de mon cœur éclate !
L’azur est en feu : un chien flaire un chien sous le banc où dort le gardien. — Une petite fille saute à la corde et sur son ombre, et d’autres et d’autres. Je vois leurs ombres, sur l’allée, ou s’élargir ou s’affiner. Et tout ça chante à qui mieux mieux : « Au petit feu ! au grand feu ! c’est pour éclairer le bon Dieu ! » — L’azur est en feu : un chien flaire un chien, sous le banc où dort le gardien.
Voici le marchand de coco musical, chargé de ses robinets d’or. — Ses robinets sont des serpents, d’où gicle son coco sonore dans les timbales des enfants. Rafraîchissons notre luxure : vite ! pour un sou de ta mixture, Laocoon étincelant. Je bois à toute la Nature, je bois à ton bronze bouillant, toi qui souris de l’aventure, ô vieux Voltaire, ô doux méchant. — Voici le marchand de coco musical. Ses robinets sont des serpents.
Ah ! printemps, quel feu monte de la terre ! quel feu descend du ciel, printemps ! — Devant la statue de Voltaire, j’attends ma nouvelle Manon. Et cependant qu’elle tarde. Voltaire, assis, est patient : je regarde ce qu’il regarde, une pâquerette dans le gazon. J’attends. — J’attends, ô ciel ! j’attends, ô terre ! sous toutes les flammes du printemps !
Deux heures. Éparpillons cette marguerite. « Un peu, beaucoup, passionnément… » — Passionnément, petite Manon, viens vite, accours, je t’en supplie. — Hé ! toi, tu souris d’un sourire à me rendre fort mécontent. Sale encyclopédiste I — Oh !… La voici sous toutes les flammes du printemps !…
Et les arbres tournent et le gazon tourne autour de la statue de Voltaire, — Décidément, c’est d’un beau vert, c’est délicieux, le square Monge : herbe verte, grille et bancs verts, gardien vert, c’est, quand j’y songe, un beau coin de l’univers. — Je monte sur un banc couleur d’espérance. On doit me voir de toute la France !