Pour le prêtre il est saint, pour le juge il est juste ;
Il a raison ;
Nul ne résiste ; il est sacré, suprême, auguste,
Par trahison.

C’est de vin et de sang que sa lèvre est rougie.
Lourd prisonnier
De cette double ivresse, il complète l’orgie
Par le charnier.

Il a tout ; les sénats lui prodiguent leur âme
Et leur fierté,
L’évêque en chape d’or la prière, et la femme
La nudité.

Devant lui la vertu frémit, l’honneur émigre ;
Pâle Psyché,
L’âme humaine voudrait s’enfuir ; et par le tigre
Il est léché.

Il a par un viol possédé la victoire,
Il est prudent,
Mais guerroyeur ; il compte arriver à la gloire,
Bazaine aidant.

Les peuples sur leur tête ont cette splendeur noire ;
Il est debout ;
César, majesté, prince,, empereur, dans l’histoire,
Et dans l’égout.

Le monde, ainsi qu’au temps de Claude et de Comnène,
Est la béant,
Contemplant ce pygée énorme, grandeur naine,
Hautain néant :

Il est le sphinx du trône ; il a pour toute règle
Le crime heureux ;
Il habite un fond d’ombre ; il est seul comme l’aigle
Et le lépreux.

Il a l’armée, il a l’église ; il est superbe,
Blême, ébloui ;
Et tous les crimes sont épanouis en gerbe
Autour de lui.

Il règne, il a la joie obscure de Tibère ;
Il est content ;
Et pendant ce temps-là,’ le destin délibère,
Et l’ombre attend ;

Et, sœur de Némésis, l’implacable logique
Au front serein,
Assise à son fourneau, chauffe à son feu tragique
Le vers d’airain.

26 novembre.