Parce que tu ne sais, toi l’homme, ce que font
Les choses en travail dans l’univers profond,
Ténèbres et chaos que traversent des gloires ;
Parce que tu ne sais où vont les forces noires,
Les effluves, les gaz, les foudres ; les aimants,
Les principes cachés au fond des éléments ;
Parce qu’en même temps, suivant ta propre trace,
Bâtissant pas à pas le progrès de ta race,
Mettant pierre sur pierre, aujourd’hui sur demain,
Tu vois distinctement ton petit but humain ;
Tu prends l’impénétrable en pitié, tu confrontes
Cette obscurité, sourde à tes œuvres si promptes ;
Tu t’admires, tu dis : -j’entreprends ; mais, du moins,
Je veux, j’achève, et j’ai mes travaux pour témoins ;
Je ne perds pas l’haleine et l’effort ! – Et tu railles
L’infini, l’invisible, effrayantes murailles ;
Et, noircissant les cieux avec ton vil charbon ;
Ta main hautaine écrit sur l’abîme : à quoi bon ?
Tu couvres l’Inconnu de ton dédain immense.
-Ô nature, à quoi bon toute cette démence,
Ces ondes, ces courants, ce trouble aérien,
Et la matière en proie aux tourmentes – pour rien ?
A quoi bon tes vieux monts, Alpes et Cordillères ?
Quel temple as-tu construit avec ces tas de pierres ?
Ton torrent ne vaut pas mon moindre portefaix ;
Compare ton nuage aux dômes que je fais,
Compare ta fumée à ma colonne torse ;
Pourquoi cette dépense inutile de force ?
Que sert la cataracte ? à quoi bon le volcan ?
Et ton soufflet de forge insulte l’ouragan.