Oh dis ! pourquoi toujours regarder sous la terre,
Interroger la tombe et chercher dans la nuit ?
Et toujours écouter, penché sur une pierre,
Comme espérant un bruit ?
T’imagines-tu donc qué ceux que nous pleurâmes
Sont là couchés sous l’herbe attentifs à nos pas ?
Crois-tu donc que c’est là qu’on retrouve les âmes ?
Songeur, ne sais-tu pas
Que Dieu n’a pas voulu, lui qui règne et dispose,
Que la flamme restât quand s’éteint le flambeau,
Et que l’homme jamais pût mettre quelque chose,
Hélas ! dans le tombeau !
Ne sais-tu pas que, l’âme une fois délivrée,
Les fosses, dévorant les morts qu’on enfouit,
Se remplissent d’une ombre effrayante et sacrée
Où tout s’évanouit !
Tu te courbes en vain, dans ta douleur amère,
Sur le sépulcre noir plein des jours révolus,
Redemandant ta fille, et ton père, et ta mère,
Et ceux qui ne sont plus !
Tu te courbes en vain. Ainsi que sous la vague
Un plongeur se fatigue à chercher des trésors,
Tu tâches d’entrevoir quelque figure vague
De ce que font les morts.
Rien ne brille pour toi, sombre tête baissée ;
La tombe est morne, et close au regard curieux ;
Tu n’as plus un rayon qui luise en ta pensée.
Songeur, lève les yeux !
Lève les yeux ! renonce à sonder : la poussière ;
Fais envoler ton âme en ce firmament bleu,
Regarde dans l’azur, cherche dans la lumière,
Et surtout crois en Dieu !
Crois en celui dont tout répète les louanges !
Crois en l’éternité qui nous ouvre les bras !
Appelle le Seigneur, demande-lui. tes anges,
Et tu les reverras !
Oui, mêmedèsce monde où pleure ta misèré,
En élevant toujours tôn coeur rempli d’espoir,
Sans t’en aller d’ici ; sans qu’il soit Nécessaire
Dè mourir pour les voir,
Parce qu’en mëditant la l’Or s’accroît sans cesse,
Parce qu’à l’oeil croyant le ciel s’ouvre éclairci,
Un jour tu t’écrieras-tout à coup, plein d’ivresse
O mon Dieu ! les voici !
Et tu retrouveras, ô, pauvre âme ravie !
Une ombre du bonheur de ton passé joyeux
D’ans ces fantômes chers, qui charmèrent ta vie
Et qui sont dans les cieux !
Comme à l’heure où la plaine au loin se décolore,
Quand le soif àssôà brit le jour pâle et décru,
Là-haut, dans la nuée, on peut revoir encore
Le soleil disparu.
27 octobre 1846.