Ô Beauté nue à jamais solitaire,
Élève ton corps blanc du milieu des fougères
Et laisse que le souffle ingénu du matin
Caresse ton épaule et le bout de ton sein ;
Laisse sous le jour bleu qui coule des ramures
S’élever noblement parmi ta chevelure
Ta forme svelte et songe au vaporeux murmure
Des feuillages traînants et des bouleaux pleureurs.
Dans une brume douce au loin la ville meurt
Et fume sur les monts où l’église s’envole
De l’essor infini de ses tourelles folles ;
Et le long des coteaux en un tournant chemin
La file nébuleuse et vague des humains
Regagne lentement ses murs pleins de mystère.

Il n’est rien de ce monde aux mortelles cités
Que la ligne divine où l’enclôt la beauté.
Berce-toi de ton propre rythme, ô calme joie,
Dans le souffle onduleux que la brise t’envoie.
Lorsqu’aux lueurs du soir le chant du rossignol
Conduit en murmurant ta danse, sur le sol
Ton ombre te répond et sa forme alanguie
Imite devant toi ta pensive harmonie :
Elle arrondit les bras et nage fluide et pâle
Sur l’herbe velouteuse entre les bleus pétales ;
Tu te mires en elle et sais dans ton silence
Que la terre est pareille à cette ombre qui danse.

Sur les confins voilés et les souples collines
L’azur enveloppant se pose en lueur fine.

Deux hommes vêtus de buée
Gagnent la plaine hors de l’allée.
Un chien à peine dessiné
Les suit, tête basse, en cadence ;
On ne sait ce que le chien pense
Ni pourquoi ces gens embrumés
S’éloignent dans la somnolence.
La maison grise dans le pré.
Sur le seuil la femme apparaît,
Étend la main vers la prairie,
Puis rentre avec mélancolie.

Monde silencieux où ce vallon rêveur
S’allonge dans une ombre et dans une fraîcheur
De branches. Bleu vallon aux colonnes feuillues
Où la clochette tremble, où le bouleau remue.

Chemine avec douceur entre les fleurs muettes,
Élève tes bras blancs, incline ton beau corps,
Entre-croise suavement tes jambes sveltes
Pour une danse molle où le geste s’endort.
L’oiseau qui s’était tu chante dans la ramure
Du plus pâle bouleau et l’eau triste murmure.

Passe, Dame sereine, en jetant les longs plis
De tes cheveux autour de tes membres polis
Et parfois apparais nue et belle. Le rêve
Enveloppe tes pas et ta forme et soulève
Ta danse sur les fleurs. Écoute l’ombre et l’eau,
Le secret mouvement des pins et des bouleaux
Et de ta chevelure
Poursuivre autour de toi leur fuite calme et pure.