Votre insupportable éloquence,
Neuf mois nous fit gémir assez.
Il était bien temps que la France
Vît tous ses sauveurs enfoncés.
Allez-vous-en, vieux mandataires,
Allez-vous-en chacun chez vous !
Vous avez pris toutes les places ;
Après vous, il ne reste rien,
Et nous voyons, heureux paillasses,
Que vous voulez tous notre bien.
Allez-vous-en, etc.
Blin de Bourdon et Lardemelle,
Blois-Bertrand, Noaille et Berryer,
Votre collége vous appelle,
Les électeurs vont vous crier :
Allez-vous-en, etc.
Cachez votre figure blême,
Vous avez trop versé de pleurs
Sur la duchesse d’Angoulême
Et sur les bons rois mitrailleurs.
Allez-vous-en, etc.
Vous aurez beau vous mettre en quatre,
Pour vous plus de majorité,
Et l’électeur saura rabattre
Votre goût pour l’hérédité.
Allez-vous-en, etc.
Monsieur Périer, ta présidence
Ne fut qu’intrigue et que rumeur :
Tu n’étais pas à la séance
Un garçon de bien bonne humeur.
Allez-vous-en, etc.
Si Viennet fut par son manége
De Constant l’heureux substitut,
À Béziers, le petit collége
Votera mieux que l’Institut.
Allez-vous-en, etc.
Salvandy, défenseur des Suisses,
A presque vanté Trestaillon ;
Il s’est mis dans les écrevisses,
On doit le mettre au courtbouillon.
Allez-vous-en, etc.
L’argent fait tout, a dit Gridaine :
Le drapier veut des majorats ;
On lui dira, dans les Ardennes,
Tu t’es mis dans de mauvais draps.
Allez-vous-en, etc.
Gaëtan, qui se désespère,
Pleure les croix, pleure les lys.
Il n’est pas digne de son père :
Voilà ce qu’on dit à Senlis.
Allez-vous-en, etc.
Le gros Méchin souffle et soupire ;
Il a bavardé sans esprit.
Ce n’est qu’un préfet de l’empire,
Et tout son empire est détruit.
Allez-vous-en, etc.
Renard, député de Marseille,
N’a rien dit pour la liberté ;
Aux électeurs, moi, je conseille
De dire au jeune député :
Allez-vous-en, vieux mandataire, etc.
Monsieur Jars prêcha plus d’un prône
En l’honneur du juste-milieu,
Et déjà l’électeur du Rhône
Lui prépare un dernier adieu.
Allez-vous-en, etc.
L’avocat Barthe eut la simarre
En se réveillant en sursaut ;
Mais un beau jour, ainsi qu’Icare,
Il pourra faire un fameux saut.
Allez-vous-en, etc.
Agier, tout fier de sa cocarde,
Marmier, deux pauvres orateurs,
Vont bientôt descendre la garde
Sous le feu de nos électeurs.
Allez-vous-en, etc.
Guizot, grand professeur d’histoire,
On va rabattre ton caquet.
Vatisménil, réquisitoire,
Tu retourneras au parquet.
Allez-vous-en, etc.
Salins, pauvre ville de France,
A vu son dernier toit roussi ;
Plus grande encor fut sa souffrance
En prenant l’homme de Bercy.
Allez-vous-en, etc.
Lameth, avec sa peur panique,
Parle comme un spectre aux abois ;
Il rêve tant la république,
Qu’il a dit : « Deux et deux font trois. »
Allez-vous-en, etc.
Royer-Collard, par ses manéges,
N’est plus qu’un carliste importun ;
Il eut les voix de huit colléges :
Maintenant en aura-t-il un ?
Allez-vous-en, etc.
Au parlage anti-patriote,
L’électeur ne dit jamais bis,
Et va traiter d’Iscariote
Monsieur le chevalier Berbis.
Allez-vous-en, etc.
Bien qu’il s’échauffe en une serre,
Et qu’il parle sur tous les tons,
Engageons Poyferré de Cerre
À retourner à ses moutons.
Allez-vous-en, etc.
Faut-il une bouche éloquente
Pour bâiller au juste-milieu ?
Duboys d’Angers, ta voix tonnante
Dans l’assemblée a fait long-feu.
Allez-vous-en, etc.
Sébastiani, ta renommée
S’en va tout à fait à vau-l’eau ;
Tu ne rappelles plus l’armée :
Tu ne rappelles qu’un tonneau.
Allez-vous-en, etc.
Monsieur Baron, grand personnage,
Quinze ans aux chambres fut porté :
Grasse va le laisser en gage,
En gage au Mont-de-Piété.
Allez-vous-en, etc.
André, du Rhin, avec rudesse,
Traite nos journaux quotidiens ;
Il donne un soufflet à la presse,
Rendez-le lui, bons Alsaciens.
Allez-vous-en, etc.
Amiens doit rendre enfin justice
Au muet qui si bien feignit,
Et renvoyer à la police
Le haut baron de Rumigni.
Allez-vous-en, etc.
Pendant trente ans Favard-Langlade
Ne fut qu’un député tori,
Et pour cet orateur maussade
Issoire fut un bourg-pourri.
Allez-vous-en, etc.
Monsieur Gautier crie au scandale,
Et voit la presse tout en noir.
Bordeaux que l’urne électorale
Montre un quatrième pouvoir.
Allez-vous-en, etc.
Delessert paraît sans malice,
Mais il est brutal à l’excès ;
Il est poli comme un gros Suisse,
Il parle suisse à des Français.
Allez-vous-en, etc.
Persil, amateur de menottes,
Nous fit appréhender au corps ;
Il mit dedans les patriotes,
Condom va le mettre dehors.
Allez-vous-en, etc.
Villèle a perdu la pairie,
Il s’agite encore en tous sens ;
Mais Toulouse aime la patrie.
Qui veut nommer un des trois cents ?
Allez-vous-en, etc.
Le baron Laugier, maire d’Arles,
Parmi nous peut-il être admis ?
Le bon ami du bon roi Charles
Peut-il rester de nos amis ?
Allez-vous-en, etc.
Saint-Criq tripote à la douane
Et rêve de nouveaux impôts.
Son ami Duvergier-d’Hauranne,
Tous deux ont besoin de repos.
Allez-vous-en, etc.
Les électeurs livrent bataille
Aux bons carlistes de l’Hérault ;
À Montpellier, monsieur Pataille
Ne servira plus de hérault.
Allez-vous-en, etc.
Lunéville est cité guerrière,
Et se rappellera, dit-on,
Qu’elle doit porter en bannière
Un coq, et non pas un mouton.
Allez-vous-en, etc.
D’une période éternelle
Lyon nous fit le don fatal,
Et doit laisser monsieur Prunelle
De service à son hôpital.
Allez-vous-en, etc.
Nous avons trop vu la grimace
De tous les hommes de château ;
Laissons avec leur garde-chasse
Messieurs Clarac et Rambuteau.
Allez-vous-en, etc.
Les Provençaux que l’on renomme
De leurs choix ne seront pas fiers ;
Ils avaient cru nommer un homme,
Mais ils n’avaient nommé qu’un Thiers.
Allez-vous-en, etc.
Bertin-de-Vaux par sa gazette
Ne fait qu’un méchant bachanal.
Versaille a sonné la retraite
Du rédacteur et du journal.
Allez-vous-en, etc.
Montbrisson n’aime pas la fraude,
Les électeurs le prouveront ;
Des éperons de monsieur Baude
Les électeurs se souviendront.
Allez-vous-en, etc.
Badigeonneur de notre Charte,
Qu’est devenu monsieur Bérard ?
Il ne dit mot ; perd-il la carte ?
Les canaux l’engraissent à lard.
Allez-vous-en, etc.
Benjamin meurt ; sans espérance
Il voit nos droits à leur déclin.
Est-ce pour consoler la France
Que l’Alsace nomme Athalin ?
Allez-vous-en, etc.
Madier-Monjau, grand escocriffe,
N’a plus qu’un esprit très-bouché ;
Il a tant hurlé sur l’affiche
Que lui-même s’est affiché.
Allez-vous-en, etc.
Mestadier, bavard sans logique,
Amende, amende à tout moment,
Et notre urne patriotique
L’oubliera par amendement.
Allez-vous-en, etc.
Nommez au bord de la Garonne
Un éligible à cinq cents francs,
Car l’oiseau Jay nous abandonne,
Et nous voulons des gascons francs.
Allez-vous-en, etc.
D’un avocat plein de rancune
L’Yonne va donc se purger.
Jacqueminot de Pampelune
N’accusera plus Béranger.
Allez-vous-en, etc.
Ce bon monsieur de Ribeyrole
S’attaquant au brave Marschal,
N’a pris qu’une fois la parole,
Encore a-t-il parlé fort mal.
Allez-vous-en, etc.
Aussi bon préfet de la Seine
Qu’orateur du juste milieu,
À monsieur de Bondi, sans peine,
Les électeurs diront adieu.
Allez-vous-en, etc.
En gardant son préfet novice,
Aubernon parleur entêté,
Versailles rend un grand service
Aux amis de la liberté.
Allez-vous-en, etc.
Humann était de bonne pâte,
Strasbourg avait un bon sujet,
Mais il paraît que l’on se gâte
En tripotant dans le budjet.
Allez-vous-en, etc.
Baron de nouvelle fabrique
Pierre-Feu n’est pas un malin.
Toulon apprête sa musique
Pour honorer cet ex-vilain.
Allez-vous-en, etc.
Châteaudouble a pris tous les rôles,
Tout son esprit est d’émarger.
Les bonnes prunes de Brignoles,
Il ne pourra plus les manger.
Allez-vous-en, etc.
Soutien de la liste civile
Monsieur Thil orateur gratis,
Veut que l’on paie à domicile
Les favoris de Charles dix.
Allez-vous-en, etc.
On a parlé d’un sacrilége
À Tournon résonne le glas,
Et le président du collège
Dit au jeune Boissy d’Anglas :
Allez-vous-en, etc.
Blois connaît bien notre misère.
À l’homme sec, au cœur d’airain,
Au sieur Pelet de la Lozère
On répétera ce refrain :
Allez-vous-en, etc.
Du gros banquier bien impassible
Qui pour lui toujours votera,
Du sieur Durand l’inamovible,
Perpignan nous délivrera.
Allez-vous-en, etc.
Monsieur de Leyval, vieux carliste
Fut tantôt blanc, et tantôt brun.
Clermont va rayer de sa liste
Ce bourbonien deux-cent vingt-un.
Allez-vous-en, etc.
Le grand chef de nos catacombes,
Le sieur Héricart de Thury,
Ira s’égayer dans ses tombes
Près du vieux saule Kératry.
Allez-vous-en, etc.
Par des mesures salutaires
Tout en l’honneur du vieux Bourbon,
On va renvoyer dans ses terres
Monsieur le marquis de Cambon.
Allez-vous-en, etc.
De Quélen crie au sacrilége,
Et pour consoler le pleurard,
On lui mande de son collège
Une lettre de faire part.
Allez-vous-en, etc.
Pauvre Chilhaud la Rigaudie !
Tu n’as plus d’huile en ton flacon.
Qui nous rendra ta parodie,
Ta queue et ton accent gascon ?
Allez-vous-en, etc.
Bizen Lézard change de vote,
Et c’est presqu’un petit Brutus ;
Mais qui peut voir un patriote
Dans le serviteur des pointus ?
Allez-vous-en, etc.
Destourmel a tendu la patte,
Cambrai ne veut plus du souplet ;
On en a fait un diplomate,
Bon voyage, cher Dumolet.
Allez-vous-en, etc.
Sir Arthur de la Bourdonnaie
En vain vous mendiez nos voix,
Passez, on n’a pas de monnaie :
D’Henri V cherchez le pavois.
Allez-vous-en, etc.
Lemore, grand voteur du centre,
Est religieux à l’excès.
Tout au ministre et tout au ventre,
C’est un chevalier français.
Allez-vous-en, etc.
Monsieur Lefèvre a la folie
D’enfler un budget indiscret ;
Nos charges il les multiplie,
Et tous nos droits il les soustrait.
Allez-vous-en, etc.
Chef de la Banque, et plus terrible,
Odier nous semble encor plus grec,
Autant qu’un chiffre il est sensible,
Comme un chiffre il a le cœur sec.
Allez-vous-en, etc.
Messager du duc d’Angoulême,
Et pour Charles implorant merci ;
Dans les trois jours on vit tout blême
Ce pauvre monsieur de Sussi.
Allez-vous-en, etc.
À Digne les baigneurs malades
Au collége vont le convier.
Le pavé de nos barricades
Devait mettre à nu le Gravier.
Allez-vous-en, etc.
L’électeur prendra sa revanche
Avec Esnouf, brave escargot,
Et ne mettra plus dans sa manche
Le mari de madame Angot.
Allez-vous-en, etc.
Électeur, le pays t’implore,
Ne nomme plus d’hommes en gnac.
Martiguac, Mayrinhac encore
Sans oublier Monsieur Preissac.
Allez-vous-en, etc.
Enfin la France libérale
Aux deux-cent-vingt disant adieu,
D’un coup de cloche électorale
Va briser le juste milieu.
Allez-vous-en, etc.
À la Pologne, à l’Italie
La France offrant son bras nerveux,
Doit se défaire d’une lie
Qui corrompt son sang généreux.
Allez-vous-en,
Brave Dupont, bon Lafayette,
Un tel refrain n’est pas pour vous.
La France entière vous répète
Patriotes, veillez pour tous.
Grands citoyens, chefs populaires
Nous vous nommons, défendez-nous.