Dans le port attardé s’endorment les vaisseaux,
L’odeur du jour mourant glisse le long des voiles
Et l’on voit se creuser des espaces nouveaux
Dans le saphir des cieux où se bercent les toiles.

La mer muette et sombre agite des émaux
Dont le miroitement traverse le silence.
Et la ville à travers les voiles se balance
Avec le mouvement engourdi des oiseaux.

Un bercement confus anime les cordages
Parmi l’acide bruit d’un vague harmonica.
Et dans l’odeur des vins étrangers qu’on versa
Le port entier s’endort dans un vaste mirage.

Je ne vous aime pas, mais vous viendrez quand même ;
Les arbres secoueront leurs feuilles sur nos cœurs
Et nous élèverons vers les frondaisons blêmes
Le désabusement de nos vieilles candeurs.

Quelque chose d’un vent qui est le Vent-du-Monde
Résonnera dans les branchages vespéraux ;
Or la grotte des cieux ranimera ses ondes
Sous l’éparpillement des feuilles de coraux.

Il réglera leur danse avec des doigts calmés,
L’invisible sorcier qui trouble l’atmosphère ;
L’odeur du soir montera de la terre,
Vous m’aimerez, je croirai vous aimer.

La sidérale nuit disposera ses flammes
Autour de l’orbe éteint où s’effeuillent les jours,
Ainsi, nous éteindrons dans la grotte de l’âme
Le dévorant brasier de vivre sans amour.