Livrée à tous les vents qui descendent du pôle,
Mon île est au milieu de la mer, et la Gaule
S’y fait chêne et granit ;
Elle est la grande roche altière et combattante ;
Et le tonnerre y vient comme un roi dans sa tente,
Comme un aigle à son nid.
Jeté là par l’exil, mon vieil ami sévère,
Regardant l’éclair luire aux cieux que je révère
Comme un âpre ataghan,
J’ai souvent fait ce rêve : avoir -ma sépulture
Dans cette formidable et farouche nature ;
Dormir dans l’ouragan.
Mais aujourd’hui qu’un souffle inconnu me rapporte
Dans ce Paris qui voit la bataille à sa porte
Et qui se tient debout,
Dans ce Paris où tout frémit, où rien ne tremble,
Qui s’emplit d’une pourpre immense, et qui ressemble
A l’urne où l’airain bout,
Je voudrais bien mourir sur ces remparts célèbres,
Afin qu’un jour je puisse, à travers les ténèbres,
Murmurer : « O guerriers !
J’ai ma haute maison où s’abat la colombe,
Où vient l’aigle, au pays des chênes, et ma tombe
Au pays des lauriers.
Paris Décembre 1870.