VII

Le page Kunrad s’est évadé
pour rencontrer sa destinée —
la destinée souvent s’enfuît.

Il gravit d’inutiles calvaires
vit les jongleurs et les trouvères
galopa par monts et par vaux.

Souvent exilé des rivages
il ne vit que le ciel et l’eau
et puis les vagues de la mer.

Il vit l’alcôve de mirage
il embrassa des lavandières,
des filles de roi, des bergères,
de maintes lèvres il fit conquête

Mais, sous des drapeaux de nuages,
sa chevauchée et sa requête
inutiles vers la conquête
suprême de sa destinée

Un jour, au coin du chemin
Elle est venue baiser sa main —
la destinée toujours revient

Lui lava ses pieds lassés
puis elle essuya de sa face
la poussière des chevauchées

Elle ôta ses belles lèvres
son teint mat, ses mains de fièvres
elle ôta son corps de fée

Puis prit le page dans ses bras
et lui donna un seul baiser
qui le vieillit de trente années

D’une caresse de ses mains
elle lui décharna la face
et la frappa de cécité

Au pont de l’Ill la charité
de ceux qui dans les jardins vont aimer
nourrit parfois le pauvre aimé.