Sur les bords d’une source où fermente la vie,
L’espérance et l’amour se penchaient en riant :
La source était limpide, et l’amour prit envie
De se livrer sans guide au rapide courant.
L’espérance sur la rive,
S’arrêta toute pensive.

Ma voile, dit l’amour, a besoin de s’étendre
Sur les flots scintillans d’écume et de clarté !
Et son regard d’adieu se prolongea si tendre,
Qu’elle dit : au revoir ! avec sécurité.
Hélas ! la jeune espérance
Ne connaissait pas l’absence !

Son repos dura peu. Triste, errante, peureuse,
Jusqu’à l’heure où le soir descendant sur les eaux,
Elle chercha des yeux la barque aventureuse ;
Et sa main sur le sable envahi par les flots
Traça le nom qu’elle adore :
Et l’eau l’effaçait encore !

Une voile apparaît enfin ! le vent l’apporte ;
La crédule immortelle a cessé de gémir.
Mais quoi ! c’est l’opulence et sa froide cohorte.
Dans sa nacelle d’or elle semble dormir :
Oh ! celle où l’amour voyage,
Illumine davantage !

Une autre voile encor s’enfle plus gracieuse ;
C’est l’amitié paisible au milieu du torrent :
La lueur de sa lampe est calme et radieuse ;
Mais l’amour !… ah ! l’amour brûlait en éclairant !
D’où vient donc que sa lumière
Ne revient pas la première ?

Sur les monts, sur les bois, sur l’eau, sur le rivage,
La nuit jette sa chaîne et ses pavots pesans ;
Chaque voile s’endort sous un pâle nuage ;
Des larmes ont noyé les songes séduisans :
L’amour laissa passer l’heure ;
Il ne vient plus quand on pleure !