Mon Dieu! que ces plaines charmantes,
Ces grands prés si beaux et si verts,
Nous présentent d’appas divers
Parmi leurs richesses brillantes!
Ce doux air, ces vives odeurs,
Le pompeux éclat de ces fleurs
Dont l’herbe se colore,
Semble-t-il pas dire à nos yeux
Que le palais de Flore
Se fait voir vraiment en ces lieux?

C’est là qu’on entend le murmure
De ces agréables ruisseaux,
Qui joignent leurs flots et les eaus
Au vif émail de la verdure.
C’est là qu’en paisibles replis,
Dans les beaux vases de leurs lits,
Ils arrosent les herbes,
Et que leurs doux gazouillements,
De leurs ondes superbes
Bravent les bruits les plus charmants.

Je les vois, au haut des montagnes,
Venir, d’un cours précipité,
Offrir leur tribut argenté
Dans le beau sein de ces campagnes;
Et là, d’un pas respectueux,
Trainer en cercles tortueux
Leurs sources vagabondes;
Et, comme charmés des beautés
De ces plaines fecondes,
S’y répandre de tous côtés.

Là, ces méandres agréables,
Descendant, et puis remontant,
Font, dans leur voyage inconstant,
Cent labyrinthes délectables.
Souvent leurs flots, en s’entrouvrant,
Font cent iles fleuries;
Tantôt, quittant leur lit natal,
Ils bordent les prairies
D’une ceinture de cristal.

Là, quand le jour rapporte au monde
Le beau tribut de la clarté,
Et que l’ombre et l’obscurité
Rentrent dans leur grotte profonde;
Là, dis-je, des portes du ciel
On voit de perles et de miel
Choir une riche pluie,
Et Flore, pour ce doux trésor,
Ouvrir, toute ravie,
Cent petits bassins d’ambre et d’or.

Là, l’on voit aussi sur les herbes
Voltiger ces vivantes fleurs,
Les papillons dont les couleurs
Sont si frêles et si superbes :
C’est là qu’en escadrons divers
Ils répandent dedans les airs
Mille beautés nouvelles,
Et que les essaims abusés
Vont chercher sous leurs ailes
Les pleurs que l’Aurore a versés.

C’est là qu’en nombreuses allées
L’on voit mille saules épais,
De remparts superbes et frais
Ceindre ces plaines émaillées :
Oui, je les vois de tous côtés,
En laissant l’éclat argenté
De leurs feuillages sombres,
Comme vouloir à ces ruisseaux,
Qui dorment sous leurs ombres,
Faire d’officieux rideaux.