S’il sortait de ce puits une lueur de soufre,
On dirait une bouche obscure de l’enfer.
La trappe est large assez pour qu’en un brusque éclair
L’homme étonné qu’on pousse y tombe à la renverse ;
On distingue les dents sinistres d’une herse,
Et, plus bas, le regard flotte dans de la nuit ;
Le sang sur les parois fait un rougeâtre enduit ;
L’Épouvante est au fond de ce puits toute nue ;
On sent qu’il pourrit là de l’histoire inconnue ;
Et que ce vieux sépulcre, oublié maintenant,
Cuve du meurtre, est plein de larves se traînant,
D’ombres tâtant le mur et de spectres reptiles.

« Nos aïeux ont parfois fait des choses utiles, »
Dit Joss. Et Zéno dit : « Je connais le château ;
Ce que le mont Corbus cache sous son manteau,
Nous le savons, l’orfraie et moi ; cette bâtisse
Est vieille ; on y rendait autrefois la justice.

— Es-tu sûr que Mahaud ne se réveille point ?

— Son œil est clos ainsi que je ferme mon poing ;
Elle dort d’une sorte âpre et surnaturelle,
L’obscure volonté du philtre étant sur elle.

— Elle s’éveillera demain au point du jour ?

— Dans l’ombre.

— Et que va dire ici toute la cour
Quand, au lieu d’une femme, ils trouveront deux hommes ?

— Tous se prosterneront en sachant qui nous sommes.

— Où va cette oubliette ?

— Aux torrents, aux corbeaux,
Au néant. Finissons. »

Ces hommes, jeunes, beaux,
Charmants, sont à présent difformes, tant s’efface
Sous la noirceur du cœur le rayon de la face,
Tant l’homme est transparent à l’enfer qui l’emplit.
Ils s’approchent : Mahaud dort comme dans un lit.

« Allons ! »

Joss la saisit sous les bras, et dépose
Un baiser monstrueux sur cette bouche rose ;
Zéno, penché devant le grand fauteuil massif,
Prend ses pieds endormis et charmants ; et, lascif,
Lève la robe d’or jusqu’à la jarretière.

Le puits, comme une fosse au fond d’un cimetière,
Est là béant.