à Hélène VACARESCO

Une enfant qui naquit dans la Gaule latine,
Et dont le rêve fut chantant et pastoral,
Est puissamment liée au secret ancestral
Qui du bord d’un pays vers d’autres bords l’incline.

Climat spirituel, France au soleil d’argent,
Quand mon âme au sang vif fut par vos soins nourrie,
Je sus qu’une lointaine et rêveuse patrie
Avait formé mon sort d’un fuseau diligent.

Mon père me parlait des rives bucoliques,
Des espaces brillants de maïs et de blé ;
J’imaginais debout, dans les sillons comblés,
Le paysan rieur, au cœur mélancolique.

Puis un jour j’entendis d’étranges violons
Dont Paris acclamait les phrases déchirantes.
J’écoutais ces appels vers les routes errantes
Où mon œil enfonçait son vœu brûlant et long.

L’un des musiciens, dans la troupe enivrée,
Jouait farouchement de la flûte de Pan.
Peut-être que ma vie, à jamais altérée,
De ce chant frénétique et nomade dépend.

Et puis, j’ai voyagé, petite fille encore,
Dans ce pays doré, raisonneur et naïf.
Je me souviens des jours sans fin, couleur d’aurore,
Des enfants nus, des bœufs, des murs blancs et des ifs.

Là, j’ai vu des palais, des églises, des tombes,
Tout ce dont mon esprit ignorant était né.
— Depuis combien de temps prépariez-vous, colombes !
Le pur roucoulement que les dieux m’ont donné ?

Plus tard, dans Michelet, dont l’éloquence enlace
Les cités, les héros, les lois, les passions,
J’ai vénéré la noble et lumineuse place
Que Rome en essaimant fixait aux nations.

Enfin, j’ai vu louer la terre paternelle
Qu’illustrent le labeur, la vaillance et les arts,
Par cette voix vouée à la France éternelle
Qui, saluant l’heureux et lyrique hasard,
M’écrivit, en vantant l’argile originelle :
« D’où vous vîntes, comme Ronsard ! »