Par un temps de boue et de glace,
Le peuple, toujours enfantin,
Regarde un régiment qui passe
Devant la Porte Saint-Martin.
C’est un régiment de la ligne;
Astiqué comme aux anciens jours,
Le tambour-major, d’un air digne,
Précède les petits tambours.
Deux officiers qui, pour les suivre,
Maintiennent leurs chevaux au pas,
Au delà des saxhorns de cuivre
Dominent les fronts, et là-bas,
A travers la brume incertaine,
Tels des pavots dans les épis,
S’avance la foule lointaine
Des chassepots et des képis.
Pour les eoldats, le populaire
S’est en grand’hâte rassemblé;
Un flot de gamins accélère
Sa marche à leur pas redoublé.
La troupe passe, calme et gaie,
Comme elle irait sous les obus,
Devant les gens qui font la haie
Et l’encombrement d’omnibus.
Chacun l’accompagne ou s’arrête,
Et l’on voit emboîter le pas
L’ouvrier tirant sa charrette
Ou portant son fils sur ses bras.
Et, rêvant déjà de bataille,
Tous sont heureux naïvement;
Car toujours la France tressaille
Au passage d’un régiment.