C’était le matin, eût-on dit,
Cinq ans ont bien passé depuis,
Au mois de mai, par un beau jour,
Au temps plein de joie et d’amour,
Au temps où toute chose est gaie,
Car on ne voit buisson ni haie
Qui, en mai, se parer ne veuille
Et couvrir de nouvelle feuille.
Les bois recouvrent leur verdure,
Qui sont secs tant que l’hiver dure,
La terre même se délecte
De la rosée qui l’humecte
Et oublie la pauvreté
Où elle a tout l’hiver été.
La terre alors devient si fière
Qu’elle change sa robe entière ;
Et sait si joliment la faire
Que de couleurs elle a cent paires,
D’herbes, de fleurs indes et perses,
Et de maintes couleurs diverses.
La robe qu’ainsi je décris
Donne à la terre tout son prix.
Les oiseaux, demeurés muets
Cependant que le froid régnait,
Et le temps mauvais et chagrin,
Sont, en mai, grâce au temps serein,
Si gais qu’ils montrent en chantant
Qu’en leur coeur a de joie tant
Qu’il leur faut bien chanter par force.
Le rossignol alors s’efforce
De chanter et mener grand bruit.
Lors s’en donne à coeur joie aussi
Le perroquet, et l’alouette.
Il faut que jeunesse se mette
À être gaie et amoureuse :
C’est la saison belle et heureuse.
Qui n’aime en mai a l’âme dure,
Quand il entend, sous la ramure,
Des oiseaux les doux chants piteux.