J’ai rarement lu un roman aussi cyniquement niais que celui de Raymond Radiguet. Toute l’habile singerie de l’homme s’y trouve collectée. C’est comme une maturité en raccourci. Cette jeunesse dont il se targue, comme M. Radi- guet s’il le pouvait la jetterait par-dessus bord ! Elle est pourtant son unique charme. Raymond Radiguet excelle à utiliser ce petit filet de talent que la nature lui a donné. Avec une précocité remarquable il a appris à isoler son talent de tout ce qui n’était pas lui. Il a su digérer deux cents volumes, et que ces volumes lui profitassent, sans le moins du monde l’incommoder. Mais tout de même la matière est trop mince. Ses sentiments sont bien d’un garçon de dix-sept ans, et M. Radiguet n’est tout de même pas si habile que sa séche- resse ne paraisse boursouflée. Les sentences sérieuses qui tombent de sa plume sont toujours gentiment ridicules. M. Radiguet a beau faire il ne masquera pas le lymphatisme de sa pensée, qui provient de son extrême jeunesse, ce défaut de densité, de substance à quoi supplée Rimbaud par une certaine pression intérieure que tout le monde ne peut pas posséder, et on ne remplace pas, n’est-ce pas, l’expérience.
Cette faculté de ne rien dire de ce qui ne doit pas être dit supplée en une certaine manière chez M. Radiguet au talent pur. Elle lui permet de trouver quelques images vraies qui font le relief de son texte. Les pages sur la capture de la folle sont comme la première ébauche d’un certain genre de littérature directe où la matière même de la pensée semble se dénuder.
Ce roman donc ne fera double emploi avec aucun autre. Il est par certains côtés un document.
Or Radiguet se mêle de critique théâtrale. La désinvol- ture avec laquelle ce gamin juge parfois des gens et un genre qui le dépassent révèle en un autre sens l’enflure de son ca- ractère, sa ridicule vanité.