Une église sans lumière
Sonne le salut du soir,
Et seule, avant la prière,
Une femme vient s’asseoir.
Brillante, peinte et pompeuse,
Que peut-elle avoir souffert ?
Rien. Cette femme est heureuse,
Mais elle a peur de l’enfer.

Dans l’ombre de la chapelle
Veille l’ange des pardons,
Et c’est le seul qu’elle appelle
Pour le séduire à ses dons :
— « N’apportez que vos alarmes, »
Dit-il, « tout cet or offert,
S’il n’est mouillé de vos larmes,
Ne sauve pas de l’enfer. »

— « Quoi, n’est-ce pas un mensonge ? »
Dit-elle avec plus d’effroi.
« Oh ! de ce terrible songe,
Bon ange, délivrez-moi !
Je sens, la nuit où tout change,
Sur mon cœur un poids de fer. »
— « Femme, ô femme ! » répond l’ange,
« C’est donc là qu’est votre enfer. »

— « Oui, puisqu’on nous fait un crime
De nouer de tendres nœuds ;
Puisqu’ils parlent d’un abîme
« Où s’éteignent les doux yeux.
Faut-il haïr, pour leur plaire,
L’amour qui nous est offert ? »
— « Non, » dit l’ange sans colère,
« L’amour vrai n’a pas d’enfer. »

— « Pour moi, sur plus d’un ménage
J’étendis mes fins réseaux ;
Mortel fut mon voisinage
Aux femelles des oiseaux.
M’entendez-vous ? » — « Pas encore, »
Dit l’ange au front découvert ;
« Un mystère que j’ignore
Vous a fait peur de l’enfer. »

— « Mais… j’ai brisé tant de chaînes,
J’ai défait tant de serments,
Tant à des femmes trop vaines
Volé d’époux et d’amants !
Leurs pleurs célébraient mes charmes,
Et tant d’or me fut offert !… »
— « Eh ! bien, pour venger leurs larmes,
Vous aurez peur de l’enfer. »