Habille-toi de lin, Vénus, voici le Christ.
Deviens la Madeleine, et laisse en toi descendre,
Mélancoliquement, sa grâce et son esprit.
Humble, ternis tes pieds dans de la cendre ;
Et que tes larges seins immortellement d’or
Et que tes yeux, miroirs de soleil et de fête,
Tes yeux, malgré mille ans d’amour, ardents encor,
Meurent sous les cheveux qui pleurent de ta tête.
La terre exténuée a bu le sang des soirs
Et la détresse crie, aux quatre coins du monde,
Vers le calvaire et vers sa croix de gestes noirs.
Habille-toi de lin et de bonté profonde.
Voici venir le Dieu de la douceur unique,
Voici sa face et le voile que Véronique
T’apporte avec les clous, le suaire et la lance.
Voici l’heure nouvelle et douée du silence :
Pour la première fois, avec ferveur,
L’homme s’en vient baiser les yeux de sa douleur !
Vénus, voici le sang, voici la lie,
Dans le calice ardent des chrétiennes folies ;
Voici le cœur torride et blanc du bien-aimé :
Buissons de feu ! brasiers d’extase !
Pâles ciboires d’or où se transvase,
À l’infini, l’amour immense et affamé !
Brûlures d’âme, au fond de la chair folle !
L’être total, ravagé en aimant,
Sans néanmoins savoir comment
Trouver, pour se donner, la suprême parole !
Sourires clairs en des larmes heureuses !
Bonnes douleurs et tendresses peureuses !
Balbutiements familiers et pieux !
Et tout à coup, ce don de prophétie
Quand l’âme, en un moment, se change en dieu,
Comme l’hostie !
Habille-toi de lin, Vénus, voici le Christ.
Voici ses longues mains impératives
Voici les crins, les clous, les pierres,
Pour y meurtrir et y rouler ta chair ;
Voici l’ivresse et la souffrance alternatives,
Voici les couvents blancs et leurs linceuls de murs
Immensément dressés par la mort allouvie,
Autour des cris et des désirs qui sont la vie ;
Voici la mort muette en des supplices sûrs,
La nuit, sous l’effroi roux d’une lune qui hait ;
Vénus ! voici ton corps et ses bouches de plaies
Qui s’affolent et s’assoiffent de tout l’amour !
Habille-toi de lin, et traîne jusqu’au bout,
Ta sublime douleur d’aimer, à travers tout ;
Bien que déjà naisse le jour
Et que l’étoile soit éteinte
Qui s’arrêta jadis sur Bethléem, la Sainte.