Ô fleur du sol natal ! ô verdure sauvage !
Par quelle main cachée arrives-tu vers moi ?
Ô mon pays ! quelle ame aimante, à ton rivage,
A compris qu’une fleur me parlerait de toi ?
Quel charme m’environne, et quel dieu rompt ma chaîne ?
La vie est libre encor… je lui pardonne tout !
Sol natal ! sol natal ! dans la suave haleine,
Dans tes parfums, la vie a comme un autre goût.
Voilà le souvenir au pénétrant silence ;
Sans philtre, sans breuvage, il endort la douleur :
Sur mes jours fatigués son aile se balance ;
C’est une halte du malheur.

Le voilà ce beau lac dont l’eau n’est point amère ;
Ma nacelle dormeuse y flotte seule en paix !
Le voilà le doux chaume où m’enfanta ma mère,
Où, cachée au malheur, je ne pleurai jamais !
Cette jeune Albertine, à nos foyers restée,
Ce lilas embaumé que je croyais perdu,
Ô fleur, sauvage fleur de ma rive enchantée,
Transfuge de nos bois, tu m’as donc tout rendu !
Des arbres qui régnaient le long de nos rivages
Tu m’apportes le bruit… il rafraîchit mon sort:
Une colombe y pleure ; et ces profonds ombrages,
Par toi, si puissamment me protégent encor,
Que les vents balancent leur faîte,
Roulant devant eux la tempête,
L’éclair, l’ouragan, la terreur,
Et laissent à mes pieds le calme et la fraîcheur.
Emporte-moi, souffle errant, doux génie,
Sur mon rempart tant chanté, tant aimé ;
Et que ma cendre un jour soit réunie
À l’humble terre où mon cœur s’est formé !
Aux uns de l’or… à moi des fleurs suaves :
Oh ! dans les fleurs précipite mes pas !
J’en vois languir sur des rives esclaves,
Mais ma fierté ne s’en couronne pas.

Qu’il est frais, qu’il est doux l’air de l’indépendance
Au cœur épanoui sur un sol libre et pur !
Ô mon pays ! ton nom, qui m’offre un ciel d’azur,
Rend à mes traits souffrans le rire de l’enfance.
Nomme encore mon pays, rêve aux accens d’amour ;
Jette sur mon sommeil les fleurs de ma vallée ;
Que, dans ce miroir consolée,
Je réchauffe ma vie au reflet d’un beau jour !
Sur l’invisible ami qui devina mon ame,
Dieu ! versez les trésors qui germent dans vos mains !
Liez ses jours heureux à d’heureux lendemains,
Et de soie et de fleurs formez leur longue trame !
Que pour lui, pour lui seul, l’amour soit sans regret !
Ciel ! au nom de la fleur qu’il me jeta vermeille,
Qu’un bonheur assidu chaque jour le réveille,
Et lui confie un doux secret !