Sachons mener à bout, sans égoïsme vain,
Notre travail humain sous le travail divin ;
Si l’orgueil vient, broyons du pied cette couleuvre,
L’homme est l’outil, Dieu seul est l’ouvrier de l’œuvre,
Donc servons pour servir, avec simplicité.
Sans avoir pris de grade à l’université
Et sans être nommé recteur par le ministre,
Le blond soleil dissout l’ignorance sinistre.
Éclairons comme lui, non pour nous, mais pour tous,
Et faisons gravement ce que Dieu fait pour nous.
Je crois ; cela vaut-il qu’on m’adore ? Je pense ;
Cela mérite-t-il aucune récompense ?
Je vois ; mais c’est déjà posséder tout que voir !
Hommes, jusqu’au martyre acceptons le devoir ;
Souffrons, aimons ; soyons l’apôtre, soyons l’ange,
Et ne demandons rien, pas même une louange.
La nature adoucit l’homme par ses rayons,
Elle brille dans l’aigle et dans les alcyons,
Dans l’onde où boit l’oiseau, dans l’herbe où l’agneau bêle,
Et ne tend pas la main quand on dit : qu’elle est belle !
Mai, sans être payé, combat l’hiver qui fuit ;
Le lys n’a pas besoin qu’on le décore, il luit ;
La lavande embaumée où l’abeille se pose
Ne lui vend pas le miel ; quand il produit la rose,
Le rosier fait gratis cette action d’éclat,
L’astre a-t-il attendu jamais qu’on l’appelât
Et que quelque Lindor chantât une romance,
Pour venir de sa flamme éblouir l’ombre immense ?