UN SOIR MORTEL A L’ÂME OÙ CHANTE LE REBEC
Les bois sacerdotaux chamarraient l’horizon
Où les lampes du soir allumaient leurs yeux rouges ;
Au rideau des forêts où mille branches bougent
Peignaient leurs cheveux roux d’étranges visions.
Une femme parut de sardoine et d’opale
Décorant son manteau pourpre comme le ciel ;
Ses yeux brillaient dans l’or bleui des cheveux pâles
Sacerdotales fleurs aux feux surnaturels.
Un rebec cajoleur aux doigts des mains divines
Si doucement pleurait que les rois des bois noirs
Appelaient par delà les célestes collines
Les reines accoudées aux balustres du soir.
Un vent plus fort tordit les crinières des bois
Éveillant les orgues des profondeurs sonores
Et la voix se perdit comme efface l’aurore
Dans les voiles du jour les bagues de ses doigts.
LES ARBRES DE LA MER LUI CREVÈRENT LES FLANCS
Entendais-tu ces nefs glissant sur les eaux mortes
Sous les nuages roux d’héliotropes soirs
Lorsque les flottes d’or comme un vol de cohortes
Tendaient vers le soleil les voiles de l’espoir ?
Sentais-tu pas alors partir ton âme forte
Et lente disparaître un soir un tendre soir
Dans l’azur incertain d’invisibles miroirs
Jonché de lilas noirs et de corolles mortes ?
Et lorsque le couchant allumait dans ton cœur
L’apothéose pourpre et or d’un palais morne
Aux bleus vitraux sertis de perles et de fleurs,
Sentais-tu pas que c’était Lui qui dominait,
Vaisseau lamé d’argent doublant la Grande Borne,
Vers le ciel de lauriers, Royal Efféminé.
Dans les soirs fantastiques aux parfums de légende
L’immense hérissement des cathédrales d’or
Dresse ses bois bruyants dans les désertes landes.
Les transparents vitraux où se peignent encor
Les lambeaux fugitifs d’un jour décoloré
Laissent monter en eux du fond des voûtes sombres
Le rayonnement bleu des mystiques beautés.
La cendre de la nuit lentement s’amoncelle
Autour des noirs portails d’où sort l’encens sacré,
Et dans l’ombre des chœurs les veilleuses ruissellent.
La plaine s’est noircie de la nuit qui s’avance,
Les arbres qui fixaient ses solennels contours
Sommeillent maintenant dans l’angoissant silence.