II

Vous, n’entendez-vous pas :
d’enfance, tandis qu’ils dormaient dans l’étable
où des bras pieux et frais les berçaient
vous, n’entendez-vous pas sur le sable,
venir les Rois
qui parcourent les crèches des étables
pour bénir les nouveau-nés qu’on berçait —
les Rois, n’entendez-vous pas leurs pas.

Vous, ne savez-vous pas
qu’ils leur laissaient l’épée, aussi le baudrier :
une baguette de coudrier
pour évoquer les songes sous leurs pas
parmi les forêts florales et les buissons fruitiers des cépées
vous ne savez-vous pas
qu’ils laissaient sous leurs pas
les cailloux blancs, hérauts muets de la cépée
où les nouveau-nés trouveraient dormir la petite fée.

Vous ne croyez-vous pas
qu’à quelque détour
des routes où lamentent les déshérités
à quelque angle de murs saillant de tours,
pour les déshérités
les Rois parrains appelleront de leur voix de bonté
ceux qui souffrent sur la route
et leur donneront encore
l’épée, le baudrier et la baguette de coudrier
puis les mèneront où dort
oublieuse depuis tant de journées la petite fée.

Vous, ne savez-vous pas qu’ils ont mis près des berceaux
une idole aux traits lointains, une idole sans parole —
mais si les Rois parrains l’ont mise près des berceaux
c’est qu’ils viendront chercher et guider de leur parole
ceux qui attendent dès heures du berceau.

Ils les sauront vêtir
comme eux dans les âges
les munir aussi des paroles de sages
qui, dans les temps anciens, pouvaient nourrir
tel aventurier en route dès les âges ;
ils leur sauront parler dans son rêve sur la route
leurs pas sur le sable quand ils furent nouveau-nés
le pas de leur parole qui sait nourrir
la faim et calmer la soif et faire dormir
les aventuriers tombant au long des routes.

Pour nous nul n’est venu ;
le soir en orage
chassait loin des villages les Rois —
on guérissait l’épave de barques en naufrage
des soirs où des souhaits attendris attendaient les Rois :
le silence plus profond qui suit les nuits d’orage
gardait nos berceaux loin des yeux des Rois.