I

Les rois mages vont vers l’étoile
vers la solitaire étoile
qui doit refleurir à leur parole franche

Au cours des ruisselets, comme des robes d’anges
émanent des sourires bienveillants de la lune ;
la langueur de la longue robe de la nuit brune
s’entr’ouvre pour montrer une ceinture d’anges

Harpes inconnues, parfums en émoi, colliers de baisers
comme des pas bruissants au fond sombre de halliers
les accompagnent ;
sur la mate et rase campagne
comme une aile énorme vient frôler d’une caresse de baisers.

L’air est si suave à s’étendre et mourir,
la caravane lente se berce de marche heureuse
et les rois se rappellent la contrée soyeuse
où dort dans des nuées et des poudres d’or et les câlinantes lyres
le grand lys intangible à tout mortel
et seul autel et seul bonheur, tant inaccessible

Et l’un des rois murmure en la pâleur lactée de la nuit :

Les parois du tabernacle du soleil agonisant
pâlissent quand ses pas caressent la terrasse des palais :
les marchands des orients qui rapportent les joies et les arts plaisants
quand se baissent ses longs yeux cachent leurs trésors humiliés ;

On prodigue au muletier les deniers et les besants
pour contempler de loin la terrasse où passe son aurore
et les pythonisses pilent les mandragores
pour les vœux inutiles des humains humiliés ;

Pour le seul festin de mes faims
s’ordonne le spectacle de ses pas et de ses bras
et s’étendent les pourpres sur son visage que jamais n’enténébra
la crainte d’une lassitude à mon étreinte

Un autre roi murmure au rythme de sa marche :

Depuis que son haleine a passé sur ma vie
mes instants se parent en rosiers ravis
dont j’égrène les pétales de perpétuelles renaissances ;

Des lèvres de l’adorante blessure
vers le parfum de ses sourires
les perles et les baumes éclosent en abondance ;

Perdu dans l’infini murmure
d’une mer de grandes douceurs qui s’épandent de toi
j’éprouve les calmes rythmes de tes bonheurs à toi
et dans la grotte satinée de ta bouche ma vie se mure

Et le roi nègre à mi-voix :

Mes barques ivoirières et mes arbres aux ombres d’amour et de mort
mes géantes montagnes de marbre ciselé
et mes mers hospitalières au soleil quand il dételle
et mes landes infrangibles et mes monstres et mes labours,

Les esclaves qui lavent les turbans aux sources inconnues des fleuves
Les mausolées d’ancêtres où stagnèrent les douleurs de veuves
Mes gazelles et les parures adamantines des ailes
Qui frôlèrent mes repos près d’elles,

Aux margelles des puits profonds qui s’ignorent en ses jeux inconnus
je les oublierai, perdu dans un rêve de bras nus.

La nuit a des douceurs de brise dans les voiles
et sur les rois perdus de douceurs inconnues
la blondeur de la nuit défaille en flots d’étoiles