I. SUR CHAPELAIN

Froid, sec, dur, rude auteur, digne objet de satire,
De ne savoir pas lire oses-tu me blâmer?
Hélas! pour mes péchés, je n’ai su que trop lire,
Depuis que tu fais imprimer!

II. SUR ANDROMAQUE

Le vraisemblable est peu dans cette pièce,
Si l’on en croit et d’Olonne et Créqui :
Créqui dit que Pyrrhus aime trop sa maîtresse,
D’Olonne, qu’Andromaque aime trop son mari.

III. SUR LA MÊME TRAGÉDIE

Créqui prétend qu’Oreste est un pauvre homme
Qui soutient mal le rang d’ambassadeur;
Et Créqui de ce rang connaît bien la splendeur :
Si quelqu’un l’entend mieux, je l’irai dire à Rome.

IV. SUR L’IPHIGÉNIE DE LE CLERC

Entre le Clere et son ami Coras,
Deux grands auteurs rimant de compagnie,
N’a pas longtemps sourdirent grands débats
Sur le propos de leur Iphigénie.
Coras lui dit : « La pièce est de mon crû. »
Le Clere répond : « Elle est mienne, et non vôtre. »
Mais aussitôt que l’ouvrage a paru,
Plus n’ont voulu l’avoir fait l’un ni l’autre.

V. SUR L’ASPAR DE M. DE FONTENBLLE

L’origine des sifflets.

Ces jours passés, chez un vieil histrion,
Un chroniqueur émut la question
Quand dans Paris commença la méthode
De ces sifllets qui sont tant à la mode.
« Ce fut, dit l’un, aux pièces de Boyer. »
Gens pour Pradon voulurent parier.
« Non, dit l’acteur; je sais toute l’histoire,
« Que par degrés je vais vous débrouiller :
« Boyer apprit au parterre à bailler;
« Quant à Pradon, si j’ai bonne mémoire,
« Pommes sur lui volèrent largement;
« Mais quand sifflets prirent commencement,
« C’est, (j’y jouais, j’en suis témoin fidèle)
« C’est à l’Aspar du sieur de Fontenelle. »

VI. SIR IE GRBMARICUS DE PRADON

Que je plains le destin du grand Germanicus!
Quel fut le prix de ses rares vertus!
Persécuté par le cruel Tibère,
Empoisonné par le traître Pison,
Il ne lui restait plus, pour dernière misère,
Que d’être chanté par Pradon.

VII. SUR LE SESOSTRIS DE LONGEPIERRE

Ce fameux conquérant, ce vaillant Sésostris,
Qui jadis en Egypte, au gré des destinées,
Véquit de si longues années,
N’a vécu qu’un jour à Paris.

VIII. SIR LA MIDITE DE BOYER

A sa Judith, Boyer, par aventure,
Était assis près d’un riche caissier;
Bien aise était : car le bon financier
S’attendrissait et pleurait sans mesure.
a Bon gré vous sais, lui dit le vieux rimeur :
« Le beau vous touche , et ne seriez d’humeur
« A vous saisir pour une baliverne. »
Lors le richard, en larmoyant, lui dit :
« Je pleure, hélas! pour ce pauvre Holoferne
« Si méchamment mis à mort par Judith. »

IX. SUR LA TROADE, TRAGEDIE DE PRADON

JOUÉE EN 1669.

Quand j’ai vu de Pradon la pièce détestable,
Admirant du destin le caprice fatal :
Pour te perdre, ai-je dit, Ilion déplorable,
Pallas a toujours un cheval.

X. SUR L’ASSEMBLÉE DES ÉVÊQUES CONVOQUÉE PARIS PAR ORDRE DU ROI

Un ordre, hier venu de Saint-Germain,
Veut qu’on s’assemble : on s’assemble demain.
Notre archevêque et cinquante-deux autres
Successeurs des apôtres
S’y trouveront. Or de savoir quel cas
S’y traitera, c’est encore un mystère :
C’est seulement chose très-claire
Que nous avons cinquante-deux prélats
Qui ne résident pas.

XI. SUR LES COMPLIMENTS QUE IB ROI BEÇUT AU SUJET DE SA CONVALESCENCE

Grand Dieu! conserve-nous ce roi victorieux
Oue tu viens de rendre a nos larmes.
Fais durer à jamais des jours si précieux :
Que ce soient là nos dernières alarmes.
Empêche d’aller jusqu’à lui
Le noir chagrin, le dangereux ennui,
Toute langueur, toute fière ennemie,
Et les vers de l’Académie.