Mon Dieu je ne puis pas dire combien est fort
Mon cœur de ce matin devant le soleil d’or,
Devant tout ce qui brille et scintille dehors.
Faudra-t-il que jamais je n’épuise ma joie
De cette eau qui reluit, de cet air qui me noie,
De tout ce qui du temps en mon âme poudroie !
Viendront-elles un jour, en quelque paradis,
Ces collines pour qui j’ai tant fait et tant dit,
M’apporter la chaleur du parfum de midi,
Sera-ce ma naïve et belle récompense
Que les arbres avec leurs branches qui s’avancent
Me présentent des fleurs pleines de complaisance ?
Entendrai-je le fin et patient remous
Des râteaux de l’été passant dans les cailloux
Comme des mains qui font un travail long et doux.
Aurai-je des maisons aux toits de tuiles roses,
Avec du ciel autour, qui glisse et se repose
Sur les jardins, sur les chemins, sur toutes choses…
Verrai-je, quand le jour jaune va se levant,
Sur les routes, au bord du mur blanc d’un couvent,
Passer des chariots avec des bœufs devant.
Et verrai-je un village heureux, avec sa foule
Des dimanches, flânant, et ses ruisseaux qui coulent
Près des enclos plantés de chanvre et de ciboules ;
Pourrai-je en respirant goûter l’odeur du temps,
Et me faire le cœur si tendre et si cédant,
Que les oiseaux de l’air viendront loger dedans ?
Ô petite, divine, auguste et grande terre,
Place des jeux, place des jours et du mystère,
Puisque l’humain désir en vous se désaltère,
Pourquoi faut-il que moi, je n’aie jamais cela,
Ce bon apaisement du corps content et las,
Et que toujours mon cœur vers vous vole en éclats…