Que ces vieux royaumes des ombres,
Ces grands bois, ces noires forêts,
Cachent de charmes et d’attraits
Dessous leurs feuillages si sombres !
C’est dans ce tranquille séjour
Que l’on voit régner nuit et jour
La paix et le silence ;
C’est là qu’on dit que nos aïeux,
Au siècle d’innocence,
Goûtaient les délices des cieux.
C’est là que cent longues allées
D’arbres toujours riches et verts,
Se font voir en cent lieux divers,
Droites, penchantes, étoilées.
Je vois mille troncs sourcilleux
De leurs voûtes tremblantes :
Et l’on dirait que le saphir
De deux portes brillantes
Ferme ces vrais lieux de plaisir.
C’est sous ces épaisses feuillées
Que l’on voit les petits oiseaux,
Ces chantres si doux et si beaux,
Errer en troupes émaillées ;
C’est là que ces hôtes pieux,
Par leurs concerts harmonieux
Enchantent les oreilles,
Et qu’ils célèbrent sans souci
Les charmantes merveilles
De ces lieux qu’ils ornent aussi.
Là, d’une admirable structure,
On les voit suspendre ces nids,
Ces cabinets si bien bâtis,
Dont l’art étonne la nature ;
Là, parfois, l’un sur son rameau
Entraîne le petit fardeau
D’une paille volante ;
L’autre console, en trémoussant,
Sa famille dolente,
De quelque butin ravissant.
Là, l’on voit la biche légère,
Loin du sanguinaire aboyeur,
Fouler, sans crainte et sans frayeur,
Le tendre émail de la fougère.
Là, le chevreuil, champêtre et doux,
Bondit aussi dessus le houx
En courses incertaines ;
Là, les cerfs, ces arbres vivants,
De leurs bandes hautaines,
Font cent autres grands bois mouvants.
C’est là qu’avec de doux murmures
L’on entend les petits Zéphyrs,
De qui les tranquilles soupirs
Charment les peines les plus dures.
C’est là qu’on les voit tour à tour
Venir baiser avec amour
La feuille tremblante ;
Là, pour joindre aux chants des oiseaux
Leur musique éclatante,
Ils concertent sur les rameaux.
Là, cette chaleur violente
Qui, dans les champs et les vallons,
Brûle les avides sillons,
Se fait voir moins fière et plus lente.
L’œil du monde voit à regret
Qu’il ne peut percer le secret
De ces lieux pleins de charmes :
Plus il y lance de clartés,
Plus il leur donne d’armes
Contre ses brûlantes beautés.