Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

Les hommes agitent les glaives,
Le fouet, la chaîne, l’encensoir ;
Nous, nous courons le long des grèves
Et nous sommes les oiseaux rêves.

Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra !
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

Qu’on s’enferme ! qu’on se séquestre !
Fermez la ville, et venez voir.
Nous sommes dans la salle équestre
Assis au fauteuil du bourgmestre !

Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra !
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

Le sergent fait le pied de grue.
— Qui va là ? — Vieux, fais ton devoir.
Autour de sa tête bourrue
Nous tourbillonnons dans la rue.

Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra !
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

La nuit sème ses perles d’ambre.
Fermez le bouge et le manoir,
A double tour ! c’est en décembre.
Bon ! nous voilà dans votre chambre !

Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra !
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

Blondes filles et vieillards chauves,
Fermez vos rideaux, c’est le soir,
Et maintenant, dans vos alcôves,
Regardez luire nos yeux fauves !

Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra !
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

Fermez vos yeux, dormez, profanes.
Soyez votre propre éteignoir.
Nos chauves-souris diaphanes
Battent de l’aile sous vos crânes !

Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra !
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

Nous soufflons la cendre et les flammes,
L’amour, le deuil, la peur, l’espoir ;
Fermez vos cœurs, hommes et femmes,
Nous parlons dans l’ombre à vos âmes !

Hurrah ! hurrah !
Toutes les portes sont ouvertes,
Hurrah ! Smarra !
Pour nous qui sortons des eaux vertes
Et qui venons du hallier noir !

17 mars 1854.