Aimer et rire ont perdu ma jeunesse. J’aimais l’amour dans sa délicatesse et la gaîté fragile du printemps. L’orage éclate et brise ma jeunesse avec tes fleurs, jardin de mes parents ! Et j’ai pleuré sur de grands dahlias.

Vie trop sévère ! Est-on bien fait pour ça ?

Aimer encore et songer m’ont perdu la fleur de l’âme, aux temps où je m’en fus rêvant un rêve inconnu de la femme : j’adorai ciel et terre et fus perdu ! J’ai tout donné, j’ai tout donné mon âme. Et je pleurais par ces rues que voilà.

Vie trop sévère ! Est-on bien fait pour ça ?

Aimer toujours et pleurer jusqu’à mort ? — J’ai fait revivre et l’esprit et le corps, dès que j’en vins à moquer la douleur, et l’amour même et la vie et la mort ! Voir et savoir ont bien perdu mon cœur. Je ris de tout à présent, triste et las.

Vie trop sévère ! Est-on bien fait pour ça ?

J’entends ce soir — quel bonheur est dans l’air ? — j’entends ce soir chanter douze oiseaux clairs, par le ciel rose et couleurs de lilas. Ô jeune fille, ô tes cheveux dans l’air flottant sous un vol de pigeons… là-bas… Dernier amour, tu ne me réponds pas ?

Vie trop sévère ! Est-on bien fait pour ça ?