Celui qui meurt peut tout enseigner aux vivants.
Immobile, jamais remué par le vent,
Installé dans sa case, accoté à son plâtre,
Il ne voit plus passer ses amis idolâtres,
Et, le regard perdu sous un rêve couvert,
Il contemple le mal rongeant son univers.

Il avait tout prévu dans sa raison agile ;
Il savait que le sort n’accorde aucun égard
À l’homme, tout paré de noblesses fragiles,
Dont il blesse le cœur ou l’émail du regard.

Comparant l’étroitesse aux choses infinies,
Il songe à sa naissance où commençaient ses maux
Et déguste l’horreur des longues agonies
En tenant d’un doigt sûr l’effrayant chalumeau.

Il ne dit plus jamais la vérité sonore,
Son ténébreux séjour n’a point d’autre habitant ;
Ses solides instincts lentement s’évaporent
Sous l’incertain décret de son geôlier, le Temps.

Il avait dépensé la vigueur animale
Et les nobles soucis aux astres accordés,
Sans jamais bien savoir que les heures fatales
Lui destinaient l’étrange et hideux coup de dés.

Le courage est facile aux vivants pleins de rêves ;
Un irritable honneur se mêlant à l’amour
Leur apporte un habile et frémissant secours
Qui, lorsqu’ils vont sombrer, les porte et les soulève.

Mais celui dont l’esprit a trop longtemps lutté,
Oubliant les couleurs des saintes voluptés
Qui furent sa douceur, sa bonté, ses colères,
Fuyant le désarroi de n’aimer plus à plaire,
Tant la douleur du corps a de puissants bourreaux,
Rejoint la mâle paix muette des héros.