Air : Les adieux du Martyr
Tous les élus célèbrent tes louanges,
O Théophane, angélique martyr !
Et je le sais, dans les saintes phalanges,
Le Séraphin aspire à te servir.
Ne pouvant pas, sur la rive étrangère,
Mêler ma voix à celle des élus,
Je veux du moins, sur cette pauvre terre,
Prendre ma lyre et chanter tes vertus.
Ton court exil fut comme un doux cantique
Dont les accents savaient toucher les coeurs,
Et, pour Jésus, ton âme poétique,
A chaque instant, faisait naître des fleurs…
En t’élevant vers la céleste sphère,
Ton chant d’adieu fut encore printanier ;
Tu murmurais : « Moi, petit éphémère,
« Dans le beau ciel, je m’en vais le premier! »
Heureux martyr, à l’heure du supplice,
Tu savourais le bonheur de souffrir !
Souffrir pour Dieu te semblait un délice ;
En souriant, tu sus vivre et mourir.
A ton bourreau tu t’empressas de dire,
Lorsqu’il t’offrit d’abréger ton tourment
« Plus durera mon douloureux martyre,
« Mieux ça vaudra, plus je serai content! »
Lis virginal, au printemps de ta vie,
Le Roi du ciel entendit ton désir;
Je vois en toi « la fleur épanouie
Que le Seigneur cueillit pour son plaisir ».
Et maintenant tu n’es plus exilée,
Les bienheureux admirent ta splendeur ;
Rose d’amour, la Vierge immaculée
De ton parfum respire la fraîcheur…
Soldat du Christ, ah ! prête-moi tes armes ;
Pour les pécheurs, je voudrais ici-bas
Lutter, souffrir, donner mon sang, mes larmes ;
Protège-moi, viens soutenir mon bras.
Je veux pour eux, ne cessant pas la guerre,
Prendre d’assaut le royaume de Dieu ;
Car le Seigneur apporta sur la terre,
Non pas la paix, mais le glaive et le feu.
Je la chéris cette plage infidèle
Qui lut l’objet de ton ardent amour;
Avec bonheur je volerais vers elle,
Si mon Jésus le demandait un jour…
Mais devant lui s’effacent les distances ;
Il n’est qu’un point tout ce vaste univers !
Mes actions, mes petites souffrances
Font aimer Dieu jusqu’au delà des mers.
Ah ! si j’étais une fleur printanière
Que le Seigneur voulût bientôt cueillir !
Descends du ciel à mon heure dernière,
Je t’en conjure, ô bienheureux Martyr !
De ton amour aux virginales flammes,
Viens m’embraser en ce séjour mortel,
Et je pourrai voler avec les âmes
Qui formeront ton cortège éternel.
2 février 1897.