Sans monter au char de victoire,
Meurt le poëte créateur :
Son siècle est trop près de sa gloire
Pour en mesurer la hauteur.
C’est Bélisaire au Capitole :
La foule court à quelque idole,
Et jette en passant une obole
Au mendiant triomphateur.
Amis, dans ma douce retraite
À tous vos maux je dis adieu.
Là, ma vie est molle et secrète.
J’ai des autels pour chaque dieu.
Le myrte, qu’au laurier j’enchaîne,
Y croît sous l’ombrage du chêne ;
J’y mets Horace avec Mécène,
Et Corneille sans Richelieu.
Là, dans l’ombre descend ma muse
À l’œil fier, aux traits ingénus,
Image éclatante et confuse
Des anges à l’homme inconnus.
Ses rayons cherchent le mystère ;
Son aile, chaste et solitaire,
Jamais ne permet à la terre
D’effleurer ses pieds blancs et nus.
Là, je cache un hymen prospère ;
Et sur mon seuil hospitalier
Parfois tu t’assieds, ô mon père !
Comme un antique chevalier ;
Ma famille est ton humble empire ;
Et mon fils, avec un sourire,
Dort aux sons de ma jeune lyre,
Bercé dans ton vieux bouclier.
Août 1823.