Nacelle abandonnée,
Errante comme moi,
Avec ta destinée !
Tu n’entraînes que toi :
Que t’importe l’orage,
Libre jouet des vents ?
Moi je crains le naufrage ;
J’emporte mes enfans !
J’ai vu la voile sombre
Qui t’enlève du port ;
Et j’ai pleuré de l’ombre
Où s’enferme ton sort ;
Mais aux vents déchirée,
Elle s’égare en vain ;
Cette voile est sacrée,
Et son but est divin !
Sur la route attristée
Où s’envolaient mes jours,
Par un charme arrêtée,
Je crus l’être toujours :
Du sort la folle envie,
Vers de lointaines mers
Pousse encor de ma vie
Les flots toujours amers !
Doucement captivée
Au bord d’un nid de fleurs,
Sur ma jeune couvée
J’ai ri de mes douleurs ;
Et l’on trouvait des charmes
À mes chants d’autrefois ;
Mais ma voix a des larmes,
Et j’ai peur de ma voix !
Nacelle fugitive
Échappée à ce bord,
Une immuable rive
Doit nous rejoindre encor :
Là, les voiles amies,
Calmes dans leurs débris,
Reposent endormies
Sous d’immortels abris !