Louis XI, gagne-petit, je t’aime, curieux homme. Cher marchand de marrons, que tu sus bien tirer les marrons de Bourgogne ! Tu faisais le gentil, tu bordais ton chaperon de médailles de cuivre et d’images de plomb — on te croyait bien occupé à des patenôtres, soudain tu te baissais, étendant tes longs bras, et tout doucettement, sans froisser tes mitaines, tu chipais un marron, puis un, puis un, puis un, sous les mitaines du cousin.
Mais si, par aventure, ses gros poings s’abattaient sur ton dos, ton dos maigre, tu pouffais de rire et lui rendais son bien que tu lui avais pris. N’y avait plus que les coques, les marrons étaient vides. Ta gentille industrie te valut de grands biens !
Ainsi, moi, bon trouvère, quoique penseur nabot, je grappille ciel et terre, provinces de mon cerveau, sous les mains du Seigneur, toute lumière. Je dérobe à ses doigts les rosés de l’aurore, les bagues de l’orage et le lys des nuits claires ; et j’ai de petites images fort idéales sous mon chapeau.
Chiper menu mais sûr, doux Louis XI, ô rare homme ! Que Dieu bon politique, ô rare entre les Louis, t’ait en sa bénie garde et que — comme, jadis, ton lévrier chéri sous tes grègues, tu jugeais de douceur, ayant bonne chaleur, — tu sois, sur ses poulaines d’or au paradis, saint petit roi couchant, son plus chaud conseilleur.
Et, pour t’avoir levé contre mes professeurs, avoir suivi ta loi si toute de candeur, quand ce sera mon jour, que ce sera mon tour, tire la robe à Dieu : qu’il me place d’amour (1898).