Composé pour une novice.
Air : L’envers du ciel.

O Seigneur tout-puissant! dès ma plus tendre enfance,
Je puis bien m’appeler l’oeuvre de ton amour;
Je voudrais, ô mon Dieu, dans ma reconnaissance,
Ah ! je voudrais pouvoir te payer de retour.
Jésus, mon Bien-Aimé, quel est ce privilège?
Pauvre petit néant, qu’avais-je fait pour toi ?
Et je me vois ici, suivant le blanc cortège
Des vierges de ta cour, aimable et divin Roi !

Hélas ! je ne suis rien que la faiblesse même ;
Tu le sais bien, mon Dieu, je n’ai pas de vertus !
Mais tu le sais aussi, pour moi, le bien suprême
Qui me charma toujours… c’est toi, mon doux Jésus
Lorsqu’en mon jeune coeur s’alluma cette flamme
Qui se nomme l’amour… tu vins la réclamer.
Et toi seul, ô Jésus, pus contenter mon âme,
Car jusqu’à l’infini j’avais besoin d’aimer !

Comme un petit agneau loin de la bergerie,
Gaîment je folâtrais, ignorant le danger ;
Mais, ô Reine des cieux, ma Bergère chérie,
Ton invisible main savait me protéger !
Ainsi, tout en jouant au bord des précipices,
Déjà tu me montrais le sommet du Carmel ;
Je comprenais alors les austères délices
Qu’il me faudrait aimer pour m’envoler au ciel.

Seigneur, si tu chéris la pureté de l’Ange,
De ce brillant esprit qui nage dans l’azur,
N’aimes-tu pas aussi, s’élevant de la fange,
Le lis que ton amour a su conserver pur ?
S’il est heureux, mon Dieu, l’Ange à l’aile vermeille
Qui paraît devant toi tout blanc de pureté,
Ma robe, dès ce monde, à la sienne est pareille,
Puisque j’ai le trésor de la virginité!

1897.