Que je me plais sur ces montagnes
Qui, s’élevant jusques aux cieux,
D’un diadème gracieux
Couronnent ces belles campagnes!
O Dieu! que d’objets ravissants
S’y viennent offrir à mes sens!
De leurs riches vallées,
Quel amas brillant et confus
De beautés rassemblées,
Eblouit mes yeux éperdus!

Delà j’aperçois les prairies,
Sur les plaines et les coteaux,
Parmi les arbres et les eaux,
Étaler leurs pompes fleuries.
Deçà je vois les pampres verts
Enrichir cent tertres divers
De leurs grappes fécondes;
Et là les prodigues guérets
De leurs javelles blondes
Border les prés et les forêts.

Dessus ces javelles fertiles,
Dessus cet or toujours mouvant,
Je vois aussi l’air et le vent
Promener leurs souflles tranquilles;
Et comme on voit l’onde en repos
Souvent refriser de ses flots
La surface inconstante,
Je vois de ces pompeux sillons
La richesse flottante
Ondover dessus ces vallons.

Je vois ce sacré sanctuaire,
Ce grand temple, ce saint sejour
Où Jésus encor chaque jour
S’immole pour nous à son Père.
Muse, c’est à ce doux Sauveur
Que je dois consacrer mon cœur,
Mes travaux et mes veilles:
C’est lui de qui le puissant bras
Fit toutes ces merveilles
Qui nous fournissent tant d’appas.

Ainsi, d’un facile langage,
L’on voit ce temple spacieux
S’élevant dessus tous les lieux,
Leur demander un humble hommage
Et semble aller au firmament,
Publier encor hautement
A ces sphères roulantes,
Qu’ainsi qu’en l’azur lumineux
De leurs voûtes brillantes,
Dieu loge en son sein bienheureux.

Je vois ce cloître vénérable,
Ces beaux lieux du ciel bien-aimés,
Qui de cent temples animés
Cachent la richesse adorable.
C’est dans ce chaste paradis
Que règne en un trône de lis
La virginité sainte:
C’est là que mille anges mortels,
D’une éternelle plainte,
Gémissent aux pieds des autels.

Sacrés palais de l’innocence,
Astres vivants, cœurs glorieux,
Qui faites voir de nouveaux cieux
Dans ces demeures du silence,
Non, ma plume n’entreprend pas
De tracer ici vos combats,
Vos jeûnes et vos veilles :
Il faut, pour en bien révérer
Les augustes merveilles,
Et les taire et les adorer.

Je vois les altières futaies,
De qui les arbres verdoyants,
*Dessous leurs grands bras ondoyants,
Cachent les buissons et les haies :
L’on dirait même que les cieux
Posent sur ces audacieux
Leur pesante machine,
Et qu’eux, d’un orgueil nonpareil ,
Prêtent leur forte échine
A ces grands trônes du soleil.

Je vois les fruitiers innombrables
Tantôt rangés en espaliers,
Tantôt ombrager les sentiers
De leurs richesses agréables.
Mais allons dans tous ces beaux lieux
Voir, d’un regard plus curieux,
Leur pompe renfermée;
Et vous, souffrez, riches déserts,
Que mon âme charmée
Contemple vos trésors divers.