Berlin, 1821.
LE VOYAGEUR.
Sous les hauts pins qui protègent ces sources,
Gardien, dis-moi quel est ce monument nouveau ?
LE GARDIEN.
Un jour il deviendra le terme de tes courses :
Ô voyageur ! c’est un tombeau.
LE VOYAGEUR.
Qui repose en ces lieux ?
LE GARDIEN.
Un objet plein de charmes.
LE VOYAGEUR.
Qu’on aima ?
LE GARDIEN.
Qui fut adoré.
LE VOYAGEUR.
Ouvre-moi.
LE GARDIEN.
Si tu crains les larmes.
N’entre pas
LE VOYAGEUR.
J’ai souvent pleuré.
Le voyageur et le gardien entrent.
LE VOYAGEUR.
De la Grèce ou de l’Italie
On a ravi ce marbre à la pompe des morts.
Quel tombeau l’a cédé pour enchanter ces bords ?
Est-ce Antigone ou Cornélie ?
LE GARDIEN.
La beauté dont l’image excite tes transports
Parmi nos bois passa sa vie.
LE VOYAGEUR.
Qui pour elle à ces murs de marbre revêtus
A suspendu ces couronnes fanées ?
LE GARDIEN.
Les beaux enfants dont ses vertus
Ici-bas furent couronnées.
LE VOYAGEUR.
On vient.
LE GARDIEN.
C’est un époux : il porte ici ses pas
Pour nourrir en secret un souvenir funeste.
LE VOYAGEUR.
Il a donc tout perdu ?
LE GARDIEN.
Non : un trône lui reste.
LE VOYAGEUR.
Un trône ne console pas.