Que le geste de la main
Cache ton regard farouche ;
Ne laisse errer sur ta bouche
Que le murmure incertain ;
Voile dans ta chevelure
Ta nudité qui s’épure
Sur le fond clair du matin
Et prompte dans la ramée
Fuis blanche et dissimulée.
Fuis, que la mousse un instant
S’écrase sous ton pied blanc
Et redresse, toi passée,
Sa verdure veloutée ;
Et que par toi le rameau
Frôlé, s’agite, murmure,
Et s’apaise comme une eau
En silence douce et pure.
Tourne autour des arbres grêles
Sur les gazons de velours
Et courbe d’un geste frêle
Tes bras effilés autour
De ta nuque jeune et belle.
Sous les rameaux effacés
De lueurs encor douteuses
Et pour les pas enlacés
D’une danse langoureuse,
Entre-croise finement
Tes jambes minces et blanches
Et que le long de ta hanche
S’écoulent abondamment
Tes tresses quand tu te penches
Dans les sveltes bouleaux blancs.
Danse ainsi jusqu’à la lune,
Le corps lent mais onduleux,
Caressé par les cheveux,
Boucles fines, tresses brunes.
Allonge vers les rameaux
Tes bras si longs et si beaux
Et plus blancs que les bouleaux ;
Puis, jette-les comme une anse
À la ramure qui pend
Et les laissant lentement
Retomber avec cadence,
Muette et le cœur battant,
Demeure immobile et pense.
Puis, repars légèrement,
L’œil riant à tes mamelles
Bondissantes et rebelles
Dont le bout mauve et pointant
Paraît une fleur cruelle.
Repars en ployant tes gestes
Dans la fraîcheur du sous-bois,
Plus prompte, légère et leste
D’avoir entendu des voix.
Dame nue, ô ma Beauté,
Dans le silence enchanté
De ces feuilles,
Dans tes ébats indolents,
Quels rythmes divins et lents
Je recueille.
Ô nue et belle ! Ô sveltesse
De ta forme s’élevant,
Lointaine et noble caresse
De les sobres mouvements.
Passe, rêve et passe encor,
Figure des anciens vases,
Passe en inclinant ton corps
Dans l’extase ;
Essaye en vain d’arrêter
Dans l’implorante attitude
L’Amour fuyant et muet
À travers la solitude.
Te détournant à demi
Marche à travers le silence
Et marche comme tu danses
Dans les rayons assoupis.
Que ta cambrure indécise
S’incline vers l’horizon
Où moulent roses et grises
Des brumes en floraison.
Incline ton corps languide
Sur l’étang noir et sans ride
Et regarde s’effacer
Ta blancheur dans l’eau dormante
Où les cheveux délacés
S’éloignent comme des plantes.
Plus lente et découragée.
De tes jambes dégagées
Foule la mousse un instant.
L’ombre bleuit et plus brune
La même ramure pend,
Et pâle, voici la lune.
Laisse un instant ce souci ;
Te détournant à demi
Dans un rire énigmatique,
Danse comme la musique
Dont l’essor est endormi.
La lune touche les cimes
Et te couvre de clarté ;
Ne danse que pour le rythme
Et pour la beauté.
Et t’effarant d’être nue
Sous la clarté de la lune,
Recule dans l’avenue
Où la nuit est bleue et brune.
Éloigne-toi, ô silence
De tes pas légers ;
Éloigne-toi, ô cadence
De ton corps muet
Qui par l’ombreuse ramure
Va se laisser envahir,
Mouvement, rêve, désir
D’une forme svelte et pure.