Chacune de tes lettres renchérit sur l’incompréhension et la fermeture d’esprit des précédentes, comme toutes les femmes tu juges avec ton sexe, non avec ta pensée. Moi, me troubler devant tes raisons, tu veux rire ! Mais ce qui m’exaspérait c’était, quand l’un de mes raisonnements t’avait amenée à l’évidence, de te voir, toi, te rejeter sur des raisons qui faisaient table rase de mes raisonnements.

Tous tes raisonnements et tes discussions infinies ne feront pas que tu ne saches rien de ma vie et que tu me juges sur une toute [petite] partie d’elle-même. Je ne devrais même pas avoir besoin de me justifier devant toi si seulement tu étais, toi-même, une femme raisonnable et équilibrée, mais tu es affolée par ton imagination, par une sensibilité suraiguë qui t’empêche de considérer en face la vérité. Toute discussion est impossible avec toi. Je n’ai plus qu’une chose à te dire : c’est que j’ai toujours eu ce désarroi de l’esprit, cet écrasement du corps et de l’âme, cette espèce de resserrement de tous mes nerfs, à des périodes plus ou moins rapprochées ; et si tu m’avais vu il y a quelques années, avant que je puisse être même suspecté de l’usage de ce que tu me reproches, tu ne t’étonnerais plus, maintenant, de la réapparition de ces phénomènes. D’ailleurs, si tu es convaincue, si tu sens que leur retour est dû à cela, il n’y a évidemment rien à te dire, on ne lutte pas contre un sentiment.

Quoi qu’il en soit, je ne puis plus compter sur toi dans ma détresse, puisque tu refuses de te préoccuper de la partie la plus atteinte en moi : mon âme. D’ailleurs, tu ne m’as jamais jugé que sur mon apparence extérieure, comme font toutes les femmes, comme font tous les idiots, alors que c’est mon âme intérieure qui est la plus détruite, la plus ruinée ; et cela je ne puis pas te le pardonner, car les deux, malheureusement pour moi, ne coïncident pas toujours. Et pour le surplus, je te défends de revenir là-dessus.