Il y a une angoisse acide et trouble, aussi puissante qu’un couteau, et dont l’écartèlement a le poids de la terre, une angoisse en éclairs, en ponctuation de gouffres, serrés et pressés comme des punaises, comme une sorte de vermine dure et dont tous les mouvements sont figés, une angoisse où l’esprit s’étrangle et se coupe lui-même, — se tue.
Elle ne consume rien qui ne lui appartienne, elle naît de sa propre asphyxie.
Elle est une congélation de la moelle, une absence de feu mental, un manque de circulation de la vie.
Mais l’angoisse opiumique a une autre couleur, elle n’a pas cette pente métaphysique, cette merveilleuse imperfection d’accent. Je l’imagine pleine d’échos, et de caves, de labyrinthes, de retournements ; pleine de langues de feu parlantes, d’yeux mentaux en action et du claquement d’une foudre sombre et remplie de raison.
Mais j’imagine l’âme alors bien centrée, et toutefois à l’infini divisible, et transportable comme une chose qui est. J’imagine l’âme sentante et qui à la fois lutte et consent, et fait tourner en tous sens ses langues, multiplie son sexe, — et se tue.
Il faut connaître le vrai néant effilé, le néant qui n’a plus d’organe. Le néant de l’opium a en lui comme la forme d’un front qui pense, qui a situé la place du trou noir.
Je parle moi de l’absence de trou, d’une sorte de souffrance froide et sans images, sans sentiment, et qui est comme un heurt indescriptible d’avortements.