— Aigles, où courez-vous ?
Que c’est beau la lumière !
Que c’est beau le soleil ! Dans ’sa splendeur première,
Quand l’aurore apparut, l’aigle la contempla,
Et, s’envolant, il dit à l’astre me voilà !
Car vous avez, oiseaux que hait l’ombre éternelle,
Pour le soleil les yeux, pour la liberté l’aile.
L’aigle chasse la brume affreuse du vallon ;
Il n’est qu’un souffle alors, mais s’appelle aquilon.
Les peuples ont besoin, Dieu seul étant leur règle,
D’avoir au-dessus d’eux l’immense vol de l’aigle ;
Car il tombe de l’aigle un éblouissement.
L’aigle va chercher l’aube au fond du firmament,
Vole, et crie en planant dans son vaste équilibre :
Hommes, voilà comment on est quand on est, libre !
Le groupe obscur des Nuits craint cet,audacieux.
Aigles, votre coup d’aile est nécessaire aux cieux.
Tout ce qui n’est pas vie, amour, clarté, principe,
Devant votre passage. effrayant, se dissipe
Votre fier bruit d’orage épouvante le mal ;
Le monde esprit succède au vil monde animal ;
Partout où vous planez surgit la délivrancé,
Vous n’êtes plus la Guerre et vous vous nommez France.
Le bruit d’ailes s’éloigne. Ils s’en vont.

On dirait
Que le ciel tout à coup devient une forêt.
Dieu ! quelle chute brusque et sombre de ténèbres !
Sous l’épaississement des silences funèbres,
Tout s’efface, et l’espace obscur se refroidit ;
L’horizon misérable et morne a l’air maudit ;
Des lueurs qui brillaient meurent l’une après l’autre ;
De ces langues de feu qui tombaient sur l’apôtre,
A peine’en flotte-t-il quelques-unes, au fond
D’une-ombre où nul ne voit ce que les peuples font ;
Toute la terré a pris l’aspect visionnaire ;
Et dans cette noirceur roule un vague tonnerre.
Le paysage horrible est pestilentiel ;
Chacun des quatré vents ; aux quatre coins du ciel,
Prononce un mot sinistre, et, comme dans un rêve,
On entend sur les monts, sur la mer, sur la ’grève,
Cette clameur : Hélas ! Puebla ! puis ce glas :
Hélas ! Mentana ! puis ces cris : Aubin ! Hélas !
Hélas ! Ricarnarie ! Hélas ! Un sombre dôme
Reluit ; c’est Rome, à moins que ce ne soit Sodome.
Des silhouettes sont à terre, et c’est épars,
Nu, terrible, et le sang fume de toutes parts ;
On’ entend un tumulte ailé qui se rapproche ;
Et dans l’ombre, ici, là, sous l’arbre, sous la roche,
Dans les villes, au fond des bois, au pied des tours,
Partout, on voit des morts…

— D’où venez-vous, vautours ?

H. H., décembre.