À l’âge des bergeries,
Quand les lèvres sont fleuries,
Nous errions loin des prairies,
Lise et moi, dans le hallier ;
Lise, au vent livrant sa tresse,
Moi, tremblant d’une caresse ;
La maîtresse,
L’écolier.

Voyant la nuit prête à naître,
J’osai ne plus me connaître,
Je pris un baiser peut-être ;
Un vieux frêne soupira ;
La république des bêtes
Chantait, moineaux et fauvettes,
Sur nos têtes,
Ça ira !

Le soir répandait ses brumes.
Doux amoùr, tu nous consumes !
Tout à coup nous aperçûmes
(Était-ce un bouc ? je le crois)
Dans la sauge et la joubarbe,
O conteur du roi de Garbe !
Une barbe
Dans le bois !

Moi qui connais mon Tityre
Et qu’Horace aux champs attire,
Je criai : C’est un satyre !
Lise dit : C’est un sapeur !
Sans plus nous en rendre compte,
Nous fuîmes ; elle moins prompte ;
Elle eut honte,
Et j’eus peur.

L’âpre forêt taciturne
A dans son ombre nocturne
Tous les fantômes, Saturne,
Faune, Irmensul, Urian ;
D’une vague horreur couverte,
La grande Dryade verte
Déconcerte.
Florian.

8 février 1855.